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RÉCITS DE L’ONCLE PAUL

la plus rigoureuse du mol ; respirer, c’est brûler. On a dit de tout temps en langage figuré : le flambeau de la vie. Il se trouve que l’expression figurée est l’expression exacte de la réalité. L’air consume le flambeau, il consume l’animal ; il fait répandre au flambeau chaleur et lumière, il fait produire à l’animal chaleur et mouvement ; sans air, le flambeau s’éteint ; sans air, l’animal meurt. L’animal est, sous ce point de vue, comparable à une machine d’une haute perfection mise en mouvement par un foyer de chaleur. Il se nourrit et respire pour produire chaleur et mouvement ; il mange son combustible sous forme d’aliments et le brûle dans les profondeurs de son corps avec l’air amené par la respiration. Voilà pourquoi le besoin de nourriture est plus vif en hiver. Le corps se refroidit plus vite au contact de l’air froid extérieur ; aussi faut-il brûler plus de combustible, pour que la chaleur naturelle ne baisse pas. Une température froide excite le besoin de manger, une température élevée le rend languissant. Pour les entrailles faméliques des peuplades sibériennes, il faut des mets robustes : graisse, lard, eau-de-vie ; pour les peuplades du Sahara, trois ou quatre dattes suffisent, avec une pincée de farine pétrie dans le creux de la main. Tout ce qui diminue la déperdition de chaleur diminue aussi le besoin de nourriture. Le sommeil, le repos, les vêtements chauds, tout cela vient en aide au manger et le supplée en quelque sorte. Le bon sens le répète en disant : Qui dort dîne.

Jules. — Soit, mais je ne vois pas encore comment le hérisson et la chauve-souris peuvent, quatre et cinq mois durant, se passer de nourriture. J’aurais beau dormir, il me serait impossible de supporter un si long jeûne.

Paul. — Attendez que j’aie tout dit. Pour le moment, retenez bien ceci. Dans tout animal, l’entretien de la vie résulte d’une véritable et continuelle combustion. L’air, aussi nécessaire à cette combustion vitale qu’à celle du bois et du charbon dans nos foyers, est introduit dans le corps par la respiration. Tel est le motif qui rend continuel et si pressant le besoin de respirer. Quant aux matériaux brûlés, ils sont fournis par la substance même de l’animal, par le sang, en lequel les aliments digérés se transforment.

Jules. — D’un homme qui met à son travail une ardeur extrême on dit qu’il se brûle le sang.