liquide laiteux, cherche sans doute à se défendre par ce moyen ?
Paul. — Il espère rebuter les assaillants par son odeur nauséabonde et son goût affreusement amer ; mais l’animal ne fait pas d’autre usage de son humeur, qui deviendrait redoutable si le crapaud pouvait l’infiltrer dans le sang de ses ennemis comme la vipère le fait de son venin, versé dans la plaie par les crochets. Voici quelques expériences faites par les savants dont je vous parlais tantôt.
Une goutte de l’humeur laiteuse des crapauds est introduite avec une pointe d’acier dans les chairs d’un petit oiseau. En quelques minutes, l’oiseau chancelle comme pris d’ivresse, ferme les yeux, bâille et tombe mort.
Émile. — Mort pour tout de bon ?
Paul. — Pour tout de bon. — Un chien est traité de la même manière, mais avec une dose plus forte. En moins d’une heure la bête expire, en proie à une ivresse effrayante.
Jules. — C’est donc un horrible venin que cette sueur blanche des crapauds ?
Paul. — Des voyageurs assurent que certains Indiens de l’Amérique du Sud empoisonnent la pointe de leurs flèches avec l’humeur laiteuse des crapauds. Ils embrochent à un long bâton une file de ces animaux vivants, qu’ils approchent ensuite du feu pour exciter la transpiration de leurs pustules. Le lait qui suinte est recueilli sur une large feuille. C’est dans ce liquide qu’on trempe la pointe des flèches, dont la piqûre est désormais mortelle.
Jules. — On a donc raison de dire que les crapauds sont venimeux ?
Paul. — Oui et non tout à la fois. À l’extérieur, l’humeur des crapauds est sans effet ; pour agir comme venin, il faut qu’elle se mélange avec le sang par la voie d’une blessure. Je n’aurais à répéter ici que les détails déjà donnés au sujet du venin de la vipère[1]. Mais le crapaud est dépourvu de toute espèce d’arme qui puisse entamer même très légèrement les chairs ; il est donc dans l’impossibilité absolue de nous nuire. Il possède une humeur venimeuse, sans avoir la faculté d’en faire usage autrement que pour s’infecter le corps en la transpirant, et rebuter ses ennemis par une odeur et une
- ↑ Voyez les Ravageurs.