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RÉCITS DE L’ONCLE PAUL

blessé avec l’une d’elles aussi prestement qu’avec une fine pointe d’acier.

Regardez maintenant les molaires. Il y en a quatre en haut, dont la dernière très petite, et trois en bas. Leurs dentelures sont encore plus acérées, plus tranchantes que celles des molaires du loup ; aussi les appétits du chat et de ses congénères, le tigre, la panthère, le jaguar et autres, sont-ils plus sanguinaires que ceux du loup et des animaux qui s’en rapprochent, comme le renard, le chacal, le chien surtout. Avez-vous remarqué comme le chat est dédaigneux quand vous lui jetez pour pitance un simple morceau de pain ? À peine il l’a flairé qu’il fait un demi-tour de superbe mépris, la queue haute, le dos voûté, et vous regarde comme pour dire : « Vous moquez-vous de moi ? il me faut autre chose. »Dents du cheval.
Dents du cheval.
Ou bien, si la faim le presse, il mord à regret sur le pain, le mâche gauchement et l’avale de travers. Le chien, au contraire, le brave Azor en particulier, happe le pain avec satisfaction sans le laisser tomber à terre, et s’il trouve un tort au morceau, c’est d’être trop petit. Vous dites du chat qu’il est gourmand. Je prends sa défense et je dis que ce n’est pas vice de gourmandise ; c’est nécessité fatale, amenée par la conformation des dents. Que voulez-vous que fassent d’un croûton ses canines pointues, ses molaires à dentelures tranchantes ? Il leur faut, avant tout, une proie qui saigne, une chair pantelante.

Quelle différence entre le râtelier du sanguinaire chasseur et celui du pacifique mâcheur d’herbes ! Examinons cette tête de cheval. Les incisives, au nombre de six, sont maintenant puissantes ; elles saisissent le fourrage et le taillent bouchée par bouchée. Les canines, inutiles, ne montrent au dehors qu’une faible excroissance. Par delà vient un large intervalle