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RÉCITS DE L’ONCLE PAUL

savais l’inclination de l’homme à glorifier la force brutale, en serait-il lui-même la victime. À vos risques et périls, vous ne l’apprendrez que trop tôt, mes pauvres enfants : la haute rapine trouve, hélas ! parmi nous assez de bassesse pour se faire excuser, que dis-je ! pour se faire glorifier ; et le travail profitable, utile à tous, nous laisse froids ou même dédaigneux. Le faucon est le ravisseur de nos basses-cours, le buveur de sang de nos colombiers : nous le tenons en haute estime, nous l’appelons un oiseau noble. La chouette nous défend des rats, elle veille à la sauvegarde de nos récoltes : nous l’avons en abomination, nous l’appelons oiseau ignoble. N’apprendrons-nous donc jamais à juger bêtes et gens d’après leur réelle valeur, leur réelle utilité ? Espérons que, si tant deTête de l’aigle. Serre de l’aigle.
Tête de l’aigle. Serre de l’aigle.
belles intelligences ont travaillé, travaillent et travailleront toujours à ce miracle, vous y travaillerez aussi un jour, mes enfants, si Dieu vous fait la grâce de pouvoir le faire ; travaillez-y alors de toutes vos forces, et soyez bénis si vous parvenez à augmenter un peu, si peu que ce soit, l’effort commun des hommes de bonne volonté.

Je serai bref sur les oiseaux de proie diurnes, presque tous vrais bandits, vivant à nos détriments, de meurtre et de brigandage. Ils chassent de jour, jamais de nuit ; aussi les appelle-t-on les rapaces diurnes. La lumière la plus vive ne leur cause pas d’éblouissement. On dit même de l’aigle et des autres qu’ils peuvent regarder le soleil en face, et de cette prérogative on leur fait encore un titre de noblesse. À cela il n’v a pas grand mérite, étant connue la façon dont ils se garantissent la vue. Ils ont trois paupières : d’abord deux comme nous, celle d’en haut et celle d’en bas, qui se ferment