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LA PLANTE

la couche du sol accessible à ses racines ; si bien que, en semant encore du froment, on n’obtiendrait pas de récolte. Le sol se trouve alors épuisé à la surface ; mais, dans sa profondeur, il est encore riche. Eh bien ! qui se chargera d’exploiter les couches du fond pour en extraire encore des aliments ? Ce ne sera pas l’orge, ni l’avoine, ni le seigle, dont les petites racines fasciculées ne trouveraient rien à glaner après le froment dans l’étage supérieur du sol. Ce sera la luzerne, qui plongera ses racines, de la grosseur du doigt, à un mètre de profondeur, à deux, à trois s’il le faut, et en ramènera l’engrais sous forme de fourrage, devenant, par le concours de l’animal qui s’en nourrit, chair alimentaire, laitage, toison, ou tout au moins travail. Cette succession de deux ou plusieurs plantes, qui tirent le meilleur parti possible d’un sol préparé, porte en agriculture le nom d’assolement.

La racine profonde, si convenable pour utiliser les étages inférieurs du sol, en d’autres circonstances devient un embarras. Soit un arbre qu’il s’agit de transplanter. Sa longue racine à pivot va rendre l’opération difficile et chanceuse. Il faut d’abord creuser profondément pour l’arracher comme pour le replanter, il faut ensuite veiller à ne pas endommager la racine, car elle est unique, et si elle ne reprend pas le plant périra. Il serait maintenant préférable que l’arbre eut des racines fasciculées, enfouies à peu de profondeur : on l’arracherait sans peine ; et si quelques racines périssaient dans l’opération, il en resterait d’intactes qui suffiraient pour le succès de la transplantation.

Ce résultat peut s’obtenir : on parvient aisément à faire perdre à l’arbre sa racine à pivot et à lui faire prendre, non un faisceau régulier de racines égales dans le genre de celui des monocotylédonées, mais bien une racine très-rameuse et peu profonde, qui présente les avantages de la racine fasciculée sans en avoir la forme. Ainsi dans les pépinières de chênes, où les jeunes arbres séjournent une dizaine d’années avant d’être transplantés, deux ans