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RACINE

suce la vie ; de même la plante, par un instinct qui lui est propre, plonge obstinément sa racine dans la terre, la grande mamelle des végétaux, et dresse sa tige hors du sol pour déployer ses feuilles au grand air.

La direction verticale, la racine en bas et la tige en haut, est suivie par le plus grand nombre des plantes ; néanmoins quelques-unes font exception mais en confirmant la loi générale, d’après laquelle chaque végétal plonge sa racine dans le milieu qui doit l’alimenter et dirige sa tige en sens inverse. Dans cette catégorie se trouvent diverses plantes parasites, dont la plus connue est le gui.

Le gui vit aux dépens de la séve de divers arbres, en particulier de l’amandier, du pommier et bien plus rarement du chêne. C’est lui que nos pères vénéraient dans les forêts de la vieille Gaule, et que les druides cueillaient en grande pompe sur les chênes avec une faucille d’or. Il plonge sa racine dans le bois de la branche nourricière, s’y incorpore solidement et désormais s’abreuve de la séve de l’arbre. Ses fruits sont des baies blanches et pleines d’un suc visqueux. Les grives, qui en sont friandes, en emportent quelquefois les graines collées aux pattes ou au bec. Un de ces oiseaux, supposons, arrive sur un pommier, les pattes engluées des baies du gui. La grive frotte les pattes contre la branche, et la semence de l’arbuste parasite se trouve collée au pommier, tantôt sur la face supérieure de la branche, tantôt sur le côté ou même sur la face inférieure, suivant la manière dont l’oiseau se sera frotté. Bientôt la graine germe, et, sans hésitation aucune, elle dirige sa racine contre la branche pour l’enfoncer dans le bois, de haut en bas lorsqu’elle est au-dessus, de bas en haut lorsqu’elle est au-dessous, latéralement lorsqu’elle est par côté. Quant à la tige, elle prend une direction exactement inverse.

Ici l’évidence est complète : la jeune plante se comporte comme si elle savait discerner et choisir, comme si elle reconnaissait la branche, où doit plonger la racine, et