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L’ÉCORCE

Ils diffèrent des vaisseaux que nous connaissons déjà, autant par la forme que par le contenu. Au lieu de constituer des canaux droits, sans rapports entre eux, sans ramifications, ils se subdivisent à la manière des veines de l’animal, s’abouchent l’un avec l’autre et forment ainsi un réseau irrégulier dont toutes les branches communiquent (fig. 40). Les vaisseaux ordinaires font partie du bois ; ils servent à l’ascension des liquides puisés dans le sol par les racines. Les vaisseaux laticifères font partie de l’écorce ; ils puisent dans la séve descendante, c’est-à-dire dans cette espèce de sang végétal
Fig. 40. Vaisseaux laticifères.
que les rameaux élaborent et envoient de haut en bas entre le bois et l’écorce. Ils se remplissent ainsi d’un liquide, fréquemment d’apparence laiteuse, auquel on a donné le nom de latex ou de suc propre, parce que chaque espèce végétale en possède un de nature particulière qui lui appartient en propre. Le latex est blanc comme du lait dans le figuier, les euphorbes, le pavot, le pissenlit ; il est d’un jaune rougeâtre dans la chélidoine, mauvaise herbe nauséabonde qui vient sur les décombres et les vieux murs. Malheur à qui se laisserait séduire par le bel aspect laiteux du suc propre. Ce prétendu lait est souvent un liquide redoutable. Celui des euphorbes est corrosif au point de vous mettre la bouche en feu ; celui du figuier est assez âcre pour endolorir la langue, et même les doigts délicats pendant la récolte des figues ; celui du pavot contient de l’opium, terrible substance qui à faible dose vous endort et à dose plus forte vous tue ; celui de l’antiar des Javanais est le terrible liquide avec lequel les naturels des îles de la Sonde empoisonnent leurs flèches et la pointe de leurs poignards.