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LA PLANTE

tous les ans et produisent, malgré cela, des couches ligneuses toujours à peu près de même épaisseur. Tels sont le saule, l’orme, le peuplier.

L’inégalité en épaisseur des zones de bois reconnaît encore une autre cause. Il y a des années de pénurie générale pour la végétation : ce sont les années de grande sécheresse. Les racines trouvant très-peu à puiser dans la terre, le nouveau bois subit les conséquences de cette disette : il ne forme qu’une zone amaigrie. Au contraire les zones larges sont le signe des années où la terre s’est trouvée dans un état convenable d’humidité.

Au milieu des zones saines, tantôt larges, tantôt minces, d’autres se montrent, brunâtres, à demi désorganisées, cariées par places. Elles correspondent aux hivers exceptionnels par leur rigueur. Le bois de l’année, alors placé au dehors de la tige, a été frappé de mort par le froid en quelques points ; mais les années suivantes, des couches en bon état ont recouvert la zone maltraitée. Si par le dénombrement des couches, à partir de l’extérieur, on remonte à la date d’une zone désorganisée ; on est sûr de trouver une année exceptionnelle par ses froids.

Une couche d’épaisseur égale dans tout son circuit annonce une végétation régulière. Rien ne gênait l’arbre, cette année, ni dans le sol, ni dans l’air ; les racines, les branches, s’étalaient en liberté, et la nourriture affluait égale de partout. Une succession de zones pareilles est le signe de cet état favorable maintenu plusieurs années.

Mais une zone inégale, mince d’un côté, large de l’autre, dénote une végétation irrégulière. Du côté mince, l’arbre a souffert : les racines ont rencontré un mauvais terrain, un filon caillouteux ; l’essor des branches a été entravé par des arbres voisins ; l’ombre a étouffé le feuillage. Si l’inégalité des couches disparaît tout à coup pour faire place à la régularité, c’est que l’ordre a été rétabli. L’obstacle a été surmonté et les racines ont repris leur marche en avant ; les arbres voisins ont été abattus, et la ramée, que l’ombre étouffait, a repris sa vigueur.