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COUCHES LIGNEUSES ANNUELLES

générations nouvelles de bourgeons, l’arbre traverse les siècles sans vouloir mourir. Par une prérogative inhérente à son organisation d’être collectif, il réunit les caractères les plus contradictoires. Tout à la fois, il est vieux et jeune, mort et vivant.

Les zones ligneuses empilées dans l’épaisseur du tronc sont, en quelque sorte, les feuillets d’un livre où la vie de l’arbre est écrite. Voici les principaux renseignements que fournissent ces archives végétales. — Lorsque sur un tronc coupé en travers, nous comptons cent cinquante couches ligneuses, par exemple, cela signifie que l’arbre a cent cinquante ans puisque chaque couche correspond à une année. Connaissant l’année de son abatage, on remonte ainsi à l’année de la germination de la graine qui l’a produit.

Les diverses zones de bois n’ont pas toutes la même épaisseur ; il y en a de minces, il y en a de larges. Les zones minces correspondent aux années où l’arbre a donné beaucoup de fruits ; les zones épaisses aux années où il en a peu ou point donné. Si l’arbre, en effet, utilise en faveur des fruits la majeure partie des matériaux dont il peut disposer, par une balance inévitable, il doit réduire la formation du bois nouveau ; s’il les convertit, au contraire, en bois, il doit diminuer la quantité de ses fruits. Tous les arbres à fruits nombreux et d’assez gros volume présentent de pareilles variations dans l’épaisseur de leurs couches ligneuses. Qu’un pommier, qu’un chêne, produisent une année des pommes et des glands en abondance, et pour compenser cet excès leurs tiges grossiront peu. Il y aura prospérité pour les fruits, disette pour le bois. Aussi pour rétablir la tige dans sa force, l’arbre se repose par périodes et cesse plus ou moins de fructifier. Presque tous nos arbres fruitiers mettent une année d’intervalle entre deux récoltes abondantes ; le chêne et le châtaignier en mettent deux ou trois ; le hêtre, cinq ou six. Les arbres, au contraire, dont les semences fines exigent peu de matériaux, fructifient