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LA PLANTE

différences de dureté et de coloration entre le cœur et l’aubier du chêne, du noyer, du poirier ? Jamais l’aubier ne peut être employé ni comme bois de teinture, ni comme bois d’ébénisterie. Il faut l’enlever à coups de hache pour mettre à nu le cœur, où se trouvent uniquement la matière colorante et le tissu compacte.

Le bois parfait débute par l’état d’aubier, et l’aubier actuel est destiné à devenir de proche en proche bois parfait à mesure qu’il vieillit et que de nouvelles couches le recouvrent. La coloration et la dureté se propagent donc du centre vers la circonférence, tandis que de nouvelles couches tendres et blanches se forment au dehors. Dans quelques arbres, la transformation de l’aubier en bois parfait est très-incomplète, le cœur tombe en pourriture sans parvenir à durcir. On les nomme bois blancs. De ce nombre sont le saule et le peuplier. Les bois blancs sont de mauvaise qualité ; ils n’ont pas de consistance et se détruisent vite.

Parvenus à un âge avancé, les arbres, surtout ceux dont le cœur ne durcit pas, ont fréquemment la tige caverneuse. Tôt ou tard, les couches intérieures, consumées par la pourriture, se réduisent en terreau, et le tronc finit par devenir creux, ce qui ne l’empêche pas de porter une vigoureuse couronne de branchage. Rien de plus étrange, au premier abord, que ces vieux saules rongés par les larves d’insectes ; excavés par la pourriture, éventrés par les années, qui se couvrent, malgré tant de ravages, d’une puissante végétation. Cadavres en décomposition au dedans, ils jouissent au dehors de la plénitude de la vie. La singularité s’explique si l’on considère que les couches centrales sont maintenant inutiles à la prospérité de l’arbre. Vieilles reliques de générations qui ne sont plus, elles peuvent être rongées par la pourriture ; le reste de l’arbre n’en souffrira pas tant que les couches extérieures se conserveront saines, car là seulement réside la vitalité. Détruit dans ses parties centrales par les outrages du temps, et rajeuni chaque année par des