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COUCHES LIGNEUSES ANNUELLES

perficie conservent encore quelque aptitude au travail et viennent en aide à la couche de l’année pour amener aux rameaux les sucs de la terre. Quant aux plus centrales, elles ont perdu à jamais toute activité ; leur bois s’est durci, obstrué de ligneux, desséché. Dans leur décrépitude, ces couches de l’intérieur sont hors de service ; tout au plus, par l’appui de leur bois tenace, donnent-elles de la solidité à l’édifice général. L’activité de l’arbre décroît ainsi de la superficie au centre. À la surface, c’est la jeunesse, la vigueur, le travail ; au centre, la vieillesse, la ruine, l’inertie.

L’ensemble des zones ligneuses se divise ainsi en deux parts : l’une centrale, d’où la vie est entièrement retirée ; l’autre extérieure, où la vie réside à des degrés divers. Ces deux parts se distinguent par une coloration différente sur la section d’une tige un peu âgée : la première est de couleur foncée, la seconde est blanchâtre. On donne à la première le nom de cœur ou de bois parfait ; à la seconde le nom d’aubier. Dans l’aubier, le bois est pâle, tendre, imprégné de sucs ; c’est du bois vivant. Dans le cœur, il est fortement coloré, dur, desséché ; c’est du bois mort.

La décrépitude est loin d’être une perfection. Pourquoi alors ce nom de bois parfait donné au cœur du tronc ? C’est imparfait qu’il faudrait dire. Oui, sans doute, le cœur du bois est imparfait relativement à l’arbre, qu’il n’alimente plus, mais il est parfait eu égard aux services qu’il nous rend. Pour nos meubles, il faut un bois à grain serré, à riche coloration. Eh bien ! ces qualités ne se trouvent pas dans l’aubier ; elles se trouvent dans le cœur. L’ébène, si dure et si noire, l’acajou rougeâtre et à contexture si fine, proviennent de deux arbres dont l’aubier est mou et blanc, Le sandal et le campêche, qui fournissent à la teinture des matières colorantes, sont enveloppés d’aubier incolore. Le bois que sa dureté a fait comparer au fer, et nommé pour ce motif bois de fer, est le cœur d’un arbre dont l’aubier n’a rien de remarquable. Qui ne connaît les