Page:Fabre - La Plante (1876).djvu/66

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
56
LA PLANTE

forment une couche de bois pour entrer en rapport avec le sol. Cette humeur est du bois fluide, de même que le sang des animaux est de la chair coulante ; à mesure qu’elle avance, elle s’épaissit et prend le nom de cambium, puis s’organise, se solidifie et devient d’un côté couche ligneuse, de l’autre feuillet de liber.

Une expérience fort simple montre sa marche descendante. Par une double entaille, on enlève, sur une tige, un large anneau d’écorce. De la sorte, toute communication est interrompue entre le haut et le bas de la tige, un obstacle infranchissable est établi sur le trajet de la séve. Alors celle-ci, sans cesse envoyée du haut de l’arbre par les bourgeons, s’accumule au bord supérieur de la blessure, s’y organise, devient bois et forme un bourrelet. Au bord inférieur de la blessure, au contraire, aucun renflement n’apparaît. En sa structure intime, le bourrelet ligneux du bord supérieur est composé d’un amas de fibres contournées, entrelacées. On dirait que les matériaux du bois en travail de formation ont fait tous leurs efforts pour trouver une issue et continuer leur marche au delà de l’obstacle. Dans l’état où il se trouve, l’arbre doit périr. Les jeunes rameaux ne pouvant plus communiquer avec la terre, l’arbre languira quelque temps, puis se desséchera.

On observe des faits pareils lorsqu’on lie fortement la tige. Au-dessus de la ligature, un bourrelet se forme, et puis l’arbre dépérit. Ici encore, la compression entrave, suspend la descente de la séve ; elle empêche les bourgeons de se mettre en rapport avec le sol, et la communauté végétale se meurt. Mais si la bande d’écorce enlevée, si la compression, n’embrasse qu’une partie de la tige, la séve contourne l’obstacle, elle s’ouvre une voie dans la région non endommagée, et reprend par delà sa marche habituelle. Dans ce cas, l’arbre ne meurt pas ; il est seulement affaibli.

Il descend donc de l’ensemble des bourgeons, pour les mettre en rapport avec la terre, une humeur spéciale qui