Page:Fabre - La Plante (1876).djvu/49

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
39
LES TROIS EMBRANCHEMENTS DU RÈGNE VÉGÉTAL

lules, souvent d’un petit nombre, d’une seule même, n’en ont pas moins un rôle immense à remplir. Ils émiettent le roc pour en faire de la terre végétale, ils défrichent la mort, ils assainissent la corruption. Multipliés avec une profusion effrayante, ils détruisent les matières mortes et les mettent dans l’état voulu pour rentrer dans le cercle des matières vivantes. Un arbre, supposons, gît à terre. Pour nourrir de ses dépouilles les plantes qui lui succèdent et revivre en elles, il doit être réduit en poudre. Les ouvriers cellulaires
Fig. 23. Lichen sur un tronc d’arbre.
se mettent au travail. Mousses, lichens, champignons, moisissures, s’emparent du cadavre. Aidés par les insectes et par l’air, leurs puissants auxiliaires, ils dissèquent le mort cellule par cellule, fibre par fibre ; et de division en division, ils le réduisent en terre végétale. Le grand œuvre est accompli : maintenant, avec ce terreau, poussière de la mort, la vie peut reparaître, une nouvelle végétation peut se former.

Croyez-le bien, mon cher enfant, on n’avance pas un paradoxe en disant que les moisissures de quelques jours de durée ont plus d’importance, dans l’harmonie des êtres vivants, que les chênes, dont la durée se mesure par siècles, car, sans toutes ces plantes, débiles édifices de cellules, sans tous ces végétaux rudimentaires pullulant dans l’ordure, la vie serait impossible, parce que l’œuvre de la mort serait incomplète. Les petits, sur la terre, ont préparé et préparent toujours l’existence des grands. Une