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LA PLANTE

dans les intervalles. Bientôt, d’un mouvement lent, insensible, une étamine se dresse debout, infléchit son filet et vient appliquer son anthère sur le stigmate. Pendant ce contact, longtemps prolongé, les loges anthériques s’ouvrent et abandonnent leur pollen. Cela fait, l’étamine lentement se retire et vient se recoucher dans sa position première, la position horizontale ; mais celle qui lui succède dans l’ordre spiral du verticille se redresse en même temps, et la remplace sur le stigmate. Une troisième succède à celle-ci, et ainsi de suite, l’une après l’autre, jusqu’à ce que toutes les étamines aient déposé sur le pistil leur tribut de pollen. La fleur alors se fane : le rôle de ses enveloppes florales et de ses étamines est fini. À cause de la lenteur des mouvements, un examen soutenu des jours entiers peut seul constater dans leur ensemble ces faits si curieux ; mais un simple coup d’œil suffit pour reconnaître le redressement des étamines une à une, car on voit toujours, dans les fleurs de la rue, une seule étamine appliquer son anthère sur le stigmate, tandis que les autres sont couchées horizontalement.

D’autres fois l’élan est soudain. Dans l’épine-vinette, chaque filet d’étamine est saisi à la base entre deux fines glandes situées sur l’onglet du pétale opposé. Celui-ci, en s’étalant, entraîne donc l’étamine, captive dans son frein, et la force à s’étaler avec lui. Mais bientôt, sous les rayons du soleil, le filet s’amincit par l’évaporation, et les glandes qui le retiennent se dégonflent un peu. Alors l’étamine, abandonnée à sa propre élasticité, revient brusquement à sa position première ainsi que le ferait un ressort tendu, et se jette sur le pistil en lançant un petit nuage de pollen. On peut artificiellement provoquer cette détente : il suffit de gratter le filet avec la pointe d’une épingle, ou bien d’agiter le rameau. À la moindre secousse, au plus léger contact, le délicat équilibre est rompu, les étamines échappent à leur frein glanduleux et s’abattent sur le pistil.

L’ortie et la pariétaire ont les filets staminaux enroulés