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LA PLANTE

s’allonge rapidement, le stigmate monte au-dessus du canal des anthères, et de sa surface hérissée de poils rudes brosse le pollen, qu’il emporte avec lui.

Dans les plantes aquatiques, des précautions spéciales sont prises à cause de l’action nuisible exercée par l’eau sur le pollen. Vous n’avez pas oublié que les grains de pollen, mis en rapport avec de l’eau pure, se distendent sans ménagement par une trop rapide endosmose ; ce qui amène la rupture des enveloppes et la dispersion de la fovilla. En cet état, le pollen n’est plus apte à son rôle, qui est de faire parvenir à chaque ovule, à travers le tissu du style, un tube pollinique gonflé de fovilla. Tout pollen mouillé est désormais sans efficacité aucune. Nous trouvons là d’abord l’explication du fâcheux effet des pluies continues au moment de la floraison. En partie balayé par les pluies, en partie éclaté dans son contact avec l’eau, le pollen n’agit plus sur les ovaires, et les fleurs tombent sans parvenir à fructifier. Cette destruction de la récolte par les pluies est connue des cultivateurs sous le nom de coulure des fruits.

D’après cela, à moins de dispositions particulières que nous examinerons plus loin, aucune plante aquatique ne doit épanouir ses fleurs dans l’eau, où la coulure serait inévitable ; il faut, de toute nécessité, que la floraison se fasse à l’air libre. Examinons quelques-uns des moyens employés pour amener à l’air les fleurs immergées. — La vallisnérie vit au fond des eaux ; elle est excessivement abondante dans le canal du Midi, où elle finirait par mettre obstacle à la navigation si de nombreux faucheurs n’étaient annuellement occupés à la faire disparaître. Ses feuilles sont d’étroits rubans verts, et ses fleurs sont dioïques. Les fleurs à pistil sont portées sur de longues tiges, menues, flexibles et roulées en tire-bouchon. Quand le moment de la floraison arrive, la tige déroule graduellement sa spirale, et la fleur, entraînée par sa légèreté spécifique, monte à la surface, où elle s’épanouit. Les fleurs staminées, au contraire, sont portées sur des