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LA PLANTE

sades. Par une impossibilité absolue, ce saule n’a jamais porté de semences chez nous. Vous en faire exactement comprendre la raison serait prématuré, car vous ignorez encore comment se forment les semences des plantes. Je me bornerai à vous dire que, pour donner des graines fertiles, capables de germer, un saule pleureur ne suffit pas ; il faut absolument le concours de deux, pareils en tout excepté pour les fleurs. Eh bien ! de ces deux saules qui se complètent l’un l’autre pour donner des semences, nous n’en possédons qu’un. Des saules pleureurs répandus aujourd’hui à profusion dans l’Europe entière, aucun ne provient donc de graine ; tous dérivent, de proche en proche, par rameaux détachés, de celui que quelque noble croisé apporta de Babylonie et planta au bord des fossés de son manoir. Ne serait-ce pas, je vous le demande, chose insensée que de regarder comme un seul et même végétal les innombrables saules pleureurs de l’Europe, par la raison qu’ils sont en réalité des tronçons du premier ? Qui s’arrêterait à cette folle idée ? Chaque saule actuel est bel et bien un arbre à part, distinct des autres, ayant son existence propre.

La conclusion de ces deux exemples et d’une foule d’autres semblables saute aux yeux : un cep de vigne, un saule, un arbre, une plante quelconque, ne sont pas des individus. — Un rameau couvert de ses bourgeons ne l’est pas davantage, car il suffit d’un tronçon de ce rameau pour reproduire le végétal, s’il est mis en terre et convenablement soigné. La seule condition de la réussite, c’est que le tronçon porte au moins un bourgeon. — À la rigueur le bourgeon même suffit pour cette propagation par fractionnement ; mais alors, en général, le nouveau plant, au lieu d’être mis en terre, doit être confié à une branche qui le nourrit de sa séve. On nomme greffe, cette transplantation des bourgeons d’un végétal sur un autre. — Ainsi l’arbre peut se subdiviser en autant de nouveaux plants distincts qu’il possède de rameaux ; à son tour, le rameau peut en fournir autant qu’il