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LA PLANTE

sentent les diverses générations passées. Ces générations d’un autre âge sont inactives, quelquefois même frappées de mort. Elles constituent en quelque sorte le polypier végétal, c’est-à-dire qu’elles servent de support aux jeunes générations.

Les preuves surabondent pour affirmer qu’un végétal n’est pas un être simple mais bien un être collectif, une association d’individus, vivant en commun, et que la comparaison d’un arbre avec un polypier couvert de ses polypes, loin d’être un jeu d’esprit, est la rigoureuse expression de la réalité. Je vais essayer, mon cher enfant, de vous le faire comprendre.

D’après son étymologie, le mot individu signifie qui ne peut être divisé. Il n’est pas évidemment question ici de la simple et brutale division de la matière telle que l’entend la physique, et consistant à faire d’un tout des parties plus ou moins petites sans se préoccuper de cette chose si délicate, le maintien de la vie, car à ce point de vue toute chose est divisible d’une manière indéfinie. On entend par individu tout être qui forme une unité vivante et ne peut être divisé sans perdre la vie. Un chien, un chat, un bœuf et chacun enfin des animaux qui nous sont le plus familiers, constituent autant d’individus, autant d’êtres indivisibles, qui périssent s’ils sont fractionnés. Qui s’avisera de porter la hache sur le chat pour le diviser en deux parties égales, dans l’espoir que les deux moitiés continueront à vivre et formeront deux animaux distincts ayant désormais leur existence propre ? Ce serait folie insigne, contraire à ce que nous enseignent et l’expérience de chaque jour et les convictions intimes puisées dans la conscience même de notre existence. Voilà l’indivisible, voilà l’individu.

Mais nous pouvons hardiment porter la hache sur l’arbre sans crainte de compromettre sa vie ; que dis-je ? avec la certitude de multiplier l’arbre par ce moyen autant de fois que nous le voudrons. Relativement à l’animal, dans l’immense majorité des cas, diviser, c’est dé-