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L’INDIVIDU VÉGÉTAL

en résulter, est, pour l’ensemble de l’arbre, ce qu’un polype est pour l’ensemble du corail. Il constitue un membre de la famille, un habitant de la communauté, un individu de la société végétale. Mais tant qu’il est bourgeon, c’est un habitant nouveau-né, ou plutôt en voie de formation, très-faible encore, incapable de travail. Il ne prendra part à l’activité générale de l’arbre que le printemps prochain, lorsqu’il deviendra rameau. Jusque-là, c’est un nourrisson alimenté aux frais de la communauté ; il n’a rien à faire qu’à se fortifier et grandir, comme l’enfant dans ses langes et l’oiseau dans son nid.

Tout le travail revient aux rameaux couverts de feuilles, aux rameaux de l’année.
Fig. 5. Rameau avec bourgeons.
Ils sont les nourriciers de la communauté : par l’intermédiaire des racines, ils puisent dans le sol ; par l’intermédiaire des feuilles, ils puisent dans l’air ; et mélangeant, associant, combinant les matières premières arrivées par ces deux voies, ils préparent le liquide gommeux, la séve, dont se forme toute chose dans le végétal. L’année prochaine, ces rameaux si laborieux aujourd’hui seront, en quelque sorte, mis à la retraite, ils se reposeront ; et les bourgeons actuels, devenus forts et développés en rameaux, travailleront à leur tour à l’œuvre commune, jusqu’à ce que d’autres bourgeons les remplacent également. L’arbre se compose ainsi d’une série de générations annuelles échelonnées l’une sur l’autre. On peut les dénombrer en suivant, de proche en proche, les diverses ramifications depuis la tige jusqu’au dernier rameau. La génération actuelle est représentée par les rameaux feuillés. C’est là que réside l’activité végétale. Les bourgeons forment la génération immédiatement future. C’est pour eux surtout que l’arbre est en travail. Enfin la tige, les branches et leurs subdivisions, jusqu’aux rameaux feuillés, repré-