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SOMMEIL DES PLANTES

plante prolonge ses veilles et ne s’endort qu’avec difficulté. Ainsi fait l’animal qui, jeune, est pris d’un sommeil facile et durable, et vieux n’a plus qu’un sommeil court, irrégulier. Parvenues à un certain point de maturité, quelques plantes, d’abord d’une grande aptitude à dormir, perdent même totalement le sommeil ; les feuilles, roidies par l’âge, n’obéissent plus aux causes délicates de leur arrangement nocturne.

Ces causes, quelles sont-elles ? Pour quels motifs le feuillage s’ouvre-t-il de jour pour se refermer de nuit ? Par quoi sont enfin provoqués le sommeil et le réveil des plantes ? — Question très-obscure, et qui touche aux plus ardus problèmes de la vie. On sait que la lumière remplit ici un rôle, sinon exclusif, du moins très-grand. Toutes les feuilles aptes à dormir s’ouvrent le matin et se ferment le soir, toutes s’étalent quand reparaît la lumière du soleil, toutes se replient quand elle disparaît. Il est donc manifeste que la clarté solaire, si puissante d’ailleurs sur la végétation, est en cause dans les mouvements diurnes et nocturnes des feuilles. Cette action de la lumière a été démontrée expérimentalement par Decandolle.

Des sensitives furent enfermées dans un appartement clos, qui de jour restait dans une obscurité profonde, et de nuit était éclairé par la vive lumière de six lampes. À ce revirement, qui du jour leur faisait la nuit, et de la nuit le jour, les sensitives hésitèrent d’abord, tantôt ouvrant, tantôt fermant leurs feuilles, sans règle fixe. Les unes dormaient en présence de la lumière, les autres veillaient dans l’obscurité ; néanmoins, après quelques jours de lutte entre les habitudes et les nouvelles conditions d’existence, les plantes se soumirent à l’artificielle alternative de ténèbres et de clarté. Elles épanouirent le feuillage le soir, commencement de leur jour, et le fermèrent le matin, commencement de leur nuit.

Le stimulant de la lumière, qui, distribuée en sens inverse de l’état naturel, change les heures de sommeil en