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LA GREFFE

moindres habitudes. En cela se résument les avantages que présentent l’un et l’autre mode de multiplication. Veut-on obtenir des variétés de couleur, de feuillage, de taille, de port, il faut recourir au semis. Sur le nombre des plants levés, quelques-uns s’écarteront du porte-graines et présenteront peut-être des particularités dignes d’être conservées. Ce résultat obtenu, et le semis seul peut le donner, la greffe et la bouture forcément interviennent pour le perpétuer et le propager. Le semis fait du nouveau, la greffe et la bouture le conservent.

Si l’histoire en avait conservé le souvenir, que de tentatives longues et pénibles ne retrouverions-nous pas pour obtenir nos diverses plantes cultivées avec quelques sauvageons sans valeur. Songez à tout ce qu’il a fallu d’heureuses inspirations pour choisir dans le monde végétal les espèces aptes à se modifier en bien, d’essais patients pour les assujettir à notre culture, de fatigues pour les améliorer d’une année à l’autre, de soins pour les empêcher de dégénérer et nous les transmettre dans leur état de perfection ; songez à toutes ces choses et vous comprendrez que dans le moindre fruit, dans le moindre légume, il y a plus que le travail du jardinier qui nous les fournit. Il y a là le travail accumulé de cent générations peut-être, nécessaires pour créer la plante potagère avec un mauvais sauvageon. Nous vivons des fruits et des légumes créés par nos prédécesseurs ; nous vivons du travail, des forces, des idées du passé. Que l’avenir, à son tour, puisse vivre de nos forces, de celles du bras comme de celles de la pensée, et nous aurons dignement rempli notre mission.