Page:Fabre - La Plante (1876).djvu/146

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
136
LA PLANTE

qui consiste à transplanter le bourgeon ou le rameau de sa branche sur une autre branche, de son arbre sur un autre arbre.

Le végétal qui doit servir de support nourricier prend le nom de sujet ; et le bourgeon ou le rameau qu’on y implante, celui de greffe. Une condition indispensable est à remplir pour la réussite de ce changement de support : le bourgeon transplanté doit trouver auprès de sa nouvelle branche nourricière des aliments en rapport avec ses goûts, c’est-à-dire une séve conforme à la sienne. Cela exige que les deux plantes, le sujet et celle d’où provient la greffe, soient de la même espèce ou du moins appartiennent à des espèces très-rapprochées, car la similitude de la séve et de ses produits ne peut résulter que de la similitude d’organisation. On perdrait son temps à vouloir greffer le lilas sur le rosier, le rosier sur l’oranger. Il n’y a rien de commun entre ces trois espèces végétales, ni dans les feuilles, ni dans les fleurs, ni dans les fruits. De cette différence de structure résulte infailliblement une différence profonde de nutrition. Le bourgeon de rosier périrait donc affamé sur une branche de lilas ; le bourgeon de lilas en ferait autant sur une branche de rosier. Mais on peut très-bien greffer lilas sur lilas, rosier sur rosier, oranger sur oranger. Il est possible d’aller plus loin. On peut faire nourrir un bourgeon d’oranger par un citronnier, un bourgeon de pêcher par un abricotier, un bourgeon de cerisier par un prunier et réciproquement ; car il y a entre ces végétaux, pris deux à deux, une étroite parenté que vous entrevoyez déjà, mais que vous comprendrez mieux lorsque nos études seront plus avancées. Il faut en somme, pour la réussite de la greffe, la plus grande analogie possible entre les deux végétaux. Les anciens étaient loin d’avoir des idées bien nettes sur cette absolue nécessité de la ressemblance d’organisation ; ils nous parlent de rosiers greffés sur le houx, pour obtenir des roses vertes, de vignes greffées sur le noyer, pour avoir des raisins à grains énormes, pareils en