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LA PLANTE

nues des bulbes et dans l’axe féculent des tubercules, sert non-seulement à la nourriture de la jeune plante actuelle mais encore à la formation de nouveaux bulbes, de nouveaux tubercules, sauvegardes de l’avenir. Je la comparerais volontiers à un patrimoine que le passé lègue au présent, et que le présent doit léguer au futur, enrichi de tout le travail des génération
Fig. 65. Orchis.
à qui il a profité. Le bulbe du safran a puisé ses économies alimentaires dans le bulbe qui l’a précédé ; il les écoule maintenant dans les bulbes ses successeurs, qui les transmettront eux-mêmes à d’autres, mais accrues, d’une génération à la suivante, par le travail des racines.

Dans certains cas cependant, ce patrimoine conserve une valeur à peu près invariable ; c’est un capital que la plante ne fait pas valoir et qu’elle se borne à transmettre avec fidélité. C’est ce que nous montrent diverses orchidées, si curieuses par la forme étrange de leurs fleurs. Arraché au moment de la floraison, un pied d’orchis présente à la base de la tige, pêle-mêle avec les racines, deux tubercules ovoïdes, parfois de la grosseur d’une noix. L’un est ferme, rebondi ; l’autre est ridé, flasque, et cède plus ou moins sous la pression des doigts. Entre les deux, il n’est pas rare de rencontrer des peaux arides, dont la mieux conservée figure un petit sac vide et tout chiffonné ; on peut l’insuffler par son orifice et lui faire prendre ainsi la forme et la grosseur des deux tubercules. Les trois âges sont là représentés : le passé, le présent et le futur. Le petit sac chiffonné, si le temps et l’humidité du sol ne l’ont pas détruit,