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BOURGEONS ÉMIGRANTS

il thésaurise pour faire un avenir à ses bourgeons. Il devient corpulent et si difforme, que, n’osant plus l’appeler rameau, les botanistes le nomment tubercule. Une fois les provisions faites, le tubercule se détache de la plante mère, et désormais les bourgeons qu’il porte trouvent en lui, pour émigrer, des vivres abondants. Un tubercule est donc un rameau souterrain, gonflé de nourriture, ayant de minces écailles en guise de feuilles, et couvert de bourgeons qu’il doit alimenter.

La pomme de terre est un tubercule. Démontrons que, malgré sa disgracieuse forme et son séjour dans le sol, ce tubercule est réellement un rameau et non une racine
Fig. 62. Pomme de terre avec ses yeux ou bourgeons.
ainsi qu’on le croit d’habitude. Une racine ne porte jamais de feuilles, ni rien qui en dérive, comme des écailles. Elle ne produit pas de bourgeons, si ce n’est dans des circonstances exceptionnelles ; lorsque, par exemple, le salut de la plante est menacé ; et encore, même dans le plus pressant péril, est-elle le plus souvent inhabile à bourgeonner. Ce ne sont pas là ses fonctions. Or, à la surface d’une pomme de terre, que voyons-nous ? Certains enfoncements, des yeux, c’est-à-dire autant de bourgeons, car ces yeux se développent en rameaux si la pomme de terre est placée dans des conditions favorables. Sur les tubercules vieux, on les voit, dans l’arrière-saison, s’allonger en rejetons ne demandant qu’un peu de