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BOURGEONS ÉMIGRANTS

verte pour continuer son évolution et devenir enfin une plante pareille au lis primitif.

La ficaire est une belle plante printanière à fleurs d’un jaune d’or, à feuilles luisantes taillées un peu sur le modèle de celles du figuier. Les terrains humides sont sa demeure de prédilection. La tige, après avoir fleuri, produit à l’aisselle de ses feuilles des bourgeons qui, au lieu de se développer immédiatement en rameaux, s’arrondissent en un corps charnu tout gonflé de sucs nutritifs. Bientôt la tige périt desséchée, mais les bourgeons persistent et végètent le printemps d’après avec les provisions emmagasinées dans leur masse.

On nomme bulbilles les bourgeons charnus destinés à se développer seuls, indépendamment de la tige mère ; tels sont ceux de la ficaire et du lis bulbifère. L’ail nous en offre un autre exemple, bien plus familier. Prenez une tête entière d’ail. Au dehors se montrent d’abord des enveloppes blanches et arides. Enlevez-les. Au-dessous vous trouvez des rejetons qui s’isolent facilement tout d’une pièce. Puis viennent de nouvelles enveloppes blanches, suivies de nouveaux rejetons, de telle sorte que la tête entière est un paquet de rejetons et d’enveloppes intercalées. Ces enveloppes sont les bases desséchées des anciennes feuilles de la plante, feuilles blanches dans leur partie souterraine, qui subsiste encore, et vertes dans leur partie aérienne, qui manque maintenant. À l’aisselle de ces feuilles, des bourgeons se sont formés suivant la règle générale ; seulement, comme ils sont destinés à se développer seuls, ils ont amassé des vivres dans l’épaisseur de leurs écailles, et c’est ce qui leur donne leur grosseur inusitée. Fendez-en un en long. Sous un fourreau coriace, vous trouverez une énorme masse charnue, formant à elle seule presque tout le rejeton. C’est là le magasin aux vivres. Avec de pareilles provisions, le bourgeon peut très-bien se suffire à lui-même. Et en effet, pour multiplier l’ail, les jardiniers ne s’adressent pas à la graine, ce serait par trop long. Ils s’a-