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LA PLANTE

sol quand ils se sont formés sur des rameaux aériens. Or il est visible qu’un bourgeon destiné à se développer isolément, par ses seules et propres forces, ne peut être organisé comme celui qui n’abandonne jamais son rameau nourricier. Pour suffire à ses premiers besoins, alors que des racines capables de l’alimenter ne sont pas encore émises dans le sol, il lui faut de toute nécessité des vivres emmagasinés ; tout bourgeon qui émigre emporte donc des provisions avec lui.

On cultive dans les jardins un joli petit lis des hautes montagnes, le lis bulbifère, à fleurs orangées.
Fig. 59. Fragment de tige du Lis bulbifère.
Voici un fragment de la tige avec ses bourgeons situés à l’aisselle des feuilles. Ces bourgeons doivent passer l’hiver et se développer le printemps suivant. Ils n’ont pas cependant l’enveloppe hivernale, l’enveloppe d’écailles coriaces ; ils sont revêtus, au contraire, d’écailles succulentes, très-épaisses, tendres et charnues, propres à les nourrir tout en les protégeant. Ces provisions, qui les rendent tout rondelets, dénotent des bourgeons caducs. Et, en effet, vers la fin de l’été, ils abandonnent la plante mère ; au moindre vent, ils tombent d’eux-mêmes et s’éparpillent à terre, désormais livrés à leurs propres ressources. Si la saison est humide, beaucoup d’entre eux, encore en place à l’aisselle des feuilles, jettent une ou deux petites racines qui pendent à l’air comme pour se porter au devant de la terre. Octobre n’est pas arrivé, que tous nos bourgeons sont tombés. Alors la tige mère périt. Bientôt les vents et les pluies automnales les couvrent de feuilles mortes et de terreau. Sous cet abri, ils se gonflent tout l’hiver des sucs de leurs écailles, ils plongent peu à peu leurs racines dans le sol, et voilà qu’au printemps chacun étale sa première feuille