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LA PLANTE

une souche, toujours amputée et toujours remise en vigueur par des bourgeons adventifs, une quantité de bois que ne donnerait pas le tronc d’arbre végétant en toute liberté.

Respecté par la hache, le peuplier s’élève en un majestueux obélisque de verdure ; le saule, si disgracieux au bord de nos fossés avec son chapiteau difforme, hérissé de piquets divergents, est, à l’état de nature, un arbre d’une rare élégance par la souplesse de ses ramifications et la finesse de son feuillage. Comme arbres d’ornement, ils n’ont certes rien à gagner à l’intervention de l’homme dans leur manière de végéter. Mais hélas ! le productif n’est pas toujours le compagnon du beau, et si l’on veut faire produire aux deux arbres abondante ramée et fagots, une décapitation, périodiquement répétée, les transforme en laids tétards couturés de cicatrices, éventrés de plaies sanieuses, meurtris de blessures, mais aussi luttant contre ces mutilations par des bourgeons adventifs qui renouvellent, toujours plus abondant, le branchage abattu.

Pour en finir avec ces bourgeons adventifs, qui pullulent alors que la plante est misérable et tiennent tête à la destruction jusqu’à épuisement complet, je vous rappellerai les mauvaises herbes, chiendent, gramens et autres, que l’on a tant de peine à extirper des allées d’un jardin si l’on se borne à ratisser le sol. Vous vous êtes mis en fatigue pour nettoyer vos allées ; tout a disparu, la place est nette, vous le croyez du moins. Erreur : dans quelques jours les gramens ont reparu, plus touffus que jamais. Le motif maintenant en est clair. En ratissant, vous avez fait un véritable recépage ; vous avez tranché les tiges, mais les blessures se sont couvertes de bourgeons adventifs rapidement devenus tiges. Au lieu de détruire, vous avez donc multiplié. On ne fait vraiment place nette qu’en arrachant. Alors tout est fini, bien fini.