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FORMES DE LA TIGE

nuages de sable lancés avec une force irrésistible, des trombes furieuses qui démantèlent les dunes et en font tourbillonner les débris dans les airs. Quand la bourrasque a cessé, la configuration du sol n’est plus la même : ce qui était colline est devenu vallée, ce qui était vallée est devenu colline.

À chaque tempête, les dunes progressent vers l’intérieur des terres. Le vent soufflant de la mer fait peu à peu ébouler une dune dans la vallée suivante, qui se comble et devient dune à son tour ; et ainsi de suite jusqu’à la plus avancée qui s’écroule sur les terres cultivées. En même temps, la mer entasse de nouveaux matériaux sur le rivage, pour constituer une nouvelle colline de sable marchant à la file des autres. C’est de la sorte que les dunes envahissent lentement les terres cultivées et les recouvrent d’une énorme couche de sable stérile. Rien ne peut arrêter leur marche. Si une forêt se présente sur leur trajet, la forêt est ensevelie, et les cimes des plus grands arbres dominent à peine, comme de maigres buissons, les terribles collines mouvantes. Des villages entiers sont engloutis : habitations, église, tout disparaît sous le sable. Que faire devant un pareil ennemi, qui s’avance irrésistible, avec une régularité impitoyable, gagnant chaque année près de vingt mètres sur les terres cultivées ? Au fléau que ne pourraient conjurer les forces de l’homme, on oppose une graminée, le psamma des sables, dans les landes, gourbet. Entre les mailles de ses robustes rhizomes, la plante enlace le sol mobile et le maintient fixé ; mais comme son action est toute superficielle, on lui adjoint un arbre, le pin maritime, qui plonge profondément ses racines et finit par faire de la colline de sable un tout inébranlable. La graminée commence le travail de fixation et permet à l’arbre de se développer ; le pin, devenu fort, achève l’œuvre. C’est ainsi qu’on a mis fin aux ravages des dunes, et que, tout en sauvant un pays de la destruction, on a créé de vastes forêts à revenus considérables.