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LA PLANTE

forme une petite forêt touffue, une forêt à un seul arbre appuyé sur des centaines, sur des milliers de supports. Or ces piliers, descendus d’aplomb du haut des branches, sont encore des racines adventives, mais robustes, souvent énormes et prenant avec le temps l’apparence de véritables tiges.

On connaît dans les Indes, sur les bords du Nerbuddah, un figuier, à lui seul véritable forêt, dont trois mille trois cent cinquante colonnes, formées par ses racines adventives, supportent le gigantesque branchage. Figurons-nous trois mille trois cent cinquante arbres de grosseur diverse, dont trois cent cinquante à tige énorme et trois mille à tige plus petite ; figurons-nous tous ces arbres reliés par les branches en une charpente continue, et nous aurons l’image du colossal figuier, qui abriterait une armée de sept mille hommes sous sa ramée, et dont les colonnes réunies exigeraient pour être embrassées une corde de six cents mètres de long. Suivant la tradition, Alexandre le Grand aurait vu ce figuier, alors que cédant aux murmures de ses soldats, il mettait fin, sur les bords de l’Indus, à son extravagante expédition. Quel est alors l’âge de ce vétéran du monde végétal, qui vit aux prises les phalanges d’Alexandre et les éléphants de Porus ?

Un rameau, lui-même développement d’un bourgeon, est un individu de la communauté végétale ; c’est une pousse de génération nouvelle, implantée sur la tige mère au lieu d’être implantée dans le sol. Étant séparé de la communauté, il peut, au moyen de racines adventives, puiser directement sa nourriture dans la terre, s’enraciner à part et vivre indépendant. Sur ce principe sont basées deux opérations horticoles d’une haute importance : le bouturage et le marcottage.

On nomme bouturage le procédé de multiplication qui consiste à détacher un rameau de la plante mère, et à le placer dans des conditions où il puisse développer des racines adventives. Le rameau détaché prend le nom de bouture, et celui de plançon lorsqu’il s’agit des arbres du