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RACINE ADVENTIVES

chipels voisins échouer et germer sur ces terres nouvelles, dont le sol, uniquement formé d’un sable de coraux, serait impropre à toute autre végétation. Les deux défricheurs se mettent à l’œuvre, le feuillage dans le ciel bleu, les racines dans le flot salé. L’île est alors habitable. L’homme peut venir : il trouvera sur le récif de corail de quoi se nourrir, se bâtir une hutte et se tisser un pagne. Or dans le sable de coraux brisés, imbibé d’infiltrations salines, la nourriture est rare et l’appui peu solide. Comment résister aux coups de vent qui balaient la surface rase de l’îlot et font gronder le tonnerre des ondes sur sa ceinture de récifs ; comment recueillir les rares particules nutritives disséminées dans un sol de craie pure ? Un supplément de racines pare à cette double difficulté. De la tige du pandanus sortent, à des hauteurs diverses, de fortes racines adventives, qui, aériennes supérieurement, plongent leur extrémité inférieure parmi les éclats de coraux, et contribuent autant que les racines normales à soutenir l’arbuste et à l’alimenter. Il n’est pas rare de voir le pandanus dressé, loin du sol, au sommet d’une forte charpente formée par les racines adventives. Son compagnon de défrichement, le cocotier, sans avoir recours à ce curieux échafaudage de racines mi-partie aériennes, et mi-partie souterraines, plonge du moins dans les crevasses du récif de nombreuses racines adventives pareilles à des câbles vigoureux.

Certains figuiers particuliers aux Indes ont une manière fort remarquable de soutenir et de mettre en communication avec la terre leur énorme branchage étalé horizontalement. Des branches principales descendent des piliers ligneux, qui d’abord se balancent à l’air semblables à de grosses cordes, puis touchent le sol, s’y implantent et deviennent enfin autant de colonnettes supportant l’édifice commun. D’année en année, les ramifications s’étendent en largeur ; les piliers nécessaires à leur soutien descendent s’enfoncer dans la terre, et à la longue le figuier