n’étaient pas enrhumés. Le fait est qu’à la campagne on ne s’entendait plus, tant tout le monde toussait et toussait fort.
Il n’y a pas de ville en Canada où le préjugé d’aller à la campagne l’été soit plus répandu qu’à Québec. Permettez-moi de présenter aux rares citadins qui fréquentent encore la Plateforme, le tableau de ce qui s’est passé depuis un mois aux eaux.
La vie était devenue d’une monotonie désespérante. Pour prendre des bains, il n’était pas nécessaire d’aller jusqu’à la rivière ; on n’avait qu’à sortir sans parapluie. Le matin, en se levant, on se rencontrait une douzaine sur le seuil de la porte de l’hôtel pour se dire d’un ton désespéré : « Tiens ! il pleut encore aujourd’hui. » Le soir, en se disant bonsoir, on ajoutait : « Il pleuvra demain. » Pendant toute la journée, la conversation roulait sur le même sujet : les uns annonçaient que la pluie allait finir, parce qu’ils avaient cru voir un nuage raser la terre ; les autres prédisaient qu’elle durerait jusqu’au mois de septembre, parce que, durant une courte éclaircie, ils avaient aperçu à l’horizon un nuage ressemblant à de la fumée, ou parce que leur malle avait craqué en se fermant. Les savants analysaient les gouttes de pluie pour y trouver des symptômes de beau temps.
Cela n’empêchait pas les gens d’arriver en foule des villes, chaque jour. Ils étaient partis à la pluie, ils arrivaient à la pluie, trempés mais pleins d’espérance. Le premier jour, ils déclaraient avec assurance qu’ils avaient apporté le beau temps avec eux et qu’il ne tarderait pas à paraître. Le second jour, ils avaient le verbe moins haut et faisaient la garde autour de leurs parapluies de peur qu’ils fussent volés ; enfin le troisième jour, ils passaient sans transition dans le groupe des désespérés et annonçaient en gémissant que le soleil ne reparaîtrait plus que pour assister avec un éclat insolent à la chute des feuilles. Sous cette pluie abondante, un gamin qui courait tous les jours par les chemins avait, disait-on, grandi d’un pied et un pouce.