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l’enfouir dans leurs caves. Dans cinquante ans, en creusant des fondations de maison, on découvrira des paquets de trente sous enveloppés dans des mouchoirs de poche usés aux coins. Il y a des gens qui se trouveront ainsi riches, du jour au lendemain, et qui ignoreront toujours qu’ils doivent leur fortune aux Féniens. D’un autre côté, des vieillards laisseront des testaments avec des clauses ainsi conçues : « Dans le jardin attenant à ma maison, No 4, rue, sous le troisième arbre à gauche, mes héritiers, en creusant à trois pieds de profondeur, trouveront une boîte jaune contenant ma montre en or, $ 4, 000 en écus, etc. » Les héritiers, essuyant une larme, se rendront en diligence sous l’arbre désigné.


Le quartier Montcalm a l’air d’un camp, la veille d’un engagement ; chaque maison fait l’effet d’un fort détaché. Il y a des habitations, les plus exposées sans doute, qui ont jusqu’à des garnisons de douze hommes. Il faut un siège en règle pour y entrer. Les salons sont pleins de soldats se livrant aux amusements ordinaires de la vie des camps.

Il y a des propriétaires patriotes qui sont enchantés d’offrir ainsi l’hospitalité à nos défenseurs ; mais il y en a d’autres qui ne peuvent dormir lorsqu’ils ont au-dessous d’eux, au premier étage, cinq ou six pensionnaires d’occasion qui ronflent à l’unisson, suite inévitable d’une journée d’exercices militaires.

À l’approche des troupes, plusieurs bourgeois ont vu déserter leurs domestiques. Les servantes, effrayées du bruit des armes et de l’aspect des mâles figures, ont pris la fuite à travers rues et champs.

Plusieurs aussi sont restées et ont fait entendre des plaintes touchantes : « Tous les beaux hommes sont chez les voisins ; on n’a caserné chez nous que les plus laids. On aurait dû faire une distribution plus équitable et ne pas loger tous les mili-