presque toujours les mêmes, où je me rappelle certaines choses avec une lucidité et une vivacité extraordinaires. Moi qui suis éprise de l’inconnu, folle de l’imprévu, j’ai le culte des anniversaires intimes, j’ai dans le cœur de mystérieux autels élevés aux plus douces émotions de ma vie, où sont suspendues des images depuis longtemps effacées de la réalité ; j’y rallume parfois la flamme du passé pour y revoir les sentiments qui l’ont agité. Hélas ! je sais mieux me souvenir que je ne sais rire ; le regret pousse mieux en mon âme que le plaisir : le temps efface ce qui en arrêtait l’essor et empoisonnait mes rapides joies, pour ne laisser subsister que ce qui était vraiment doux et ravissant. En revoyant ce qu’il a aimé dépouillé de toutes les ombres qui lui en cachaient les beautés, mon cœur répand dans des rêves sans fin tout ce qu’il a refusé à la réalité la plus charmante. Inconcevable et douloureuse impuissance que de ne pouvoir aimer sans toutes ses illusions, que de sentir sans cesse son cœur s’éteindre et ne battre longtemps que dans l’isolement du souvenir !
Me voilà bien loin du jour de l’an 1864, et je crains d’avoir laissé ma chronique s’égarer trop longtemps au-delà des bruits du jour, dans ces subtiles discussions sur les choses du cœur qui durent depuis que le monde a été livré à l’empire de l’amour et à la tyrannie des jolies femmes. J’ignore si en racontant la causerie qui précède j’ai cédé plutôt à l’entraînement du souvenir qu’à l’intérêt bien entendu de mes lecteurs ; mais il me semble que, pour l’instruction du genre humain, il est utile de recueillir toutes les nuances d’opinion de celles à qui nous devons les plus belles leçons et les meilleurs exemples dans les questions délicates et les problèmes difficiles qui touchent aux sentiments.
Le jour de l’an à Québec a ressemblé, cette année, à tous les jours de l’an passés. Le principal sujet de conversation,