vous tromper et de prendre pour vous une démonstration qui s’adresse à la prose d’un autre.
Le plus grand compliment que l’on puisse faire à un journaliste, c’est d’enlever son journal de la file. Si c’est un journal de l’opposition, on soupçonne de suite le gouvernement d’être au fond de l’affaire. Souvent, pourtant, l’auteur du larcin n’a voulu que se procurer du papier pour envelopper son lunch. Mais l’erreur est douce et la perte n’est pas irréparable ; on peut être sûr que le journaliste viendra à la sourdine remplacer la feuille envolée.
Il y a des députés qui ne lisent que les compte-rendus où ils voient briller leur nom. Ils vont même jusqu’à relire le séduisant passage. Ces jour-là, ils disent à leurs voisins à la Chambre, d’un ton indifférent : Avez-vous lu le Sémaphore ? il m’abîme.
La tribune de l’Orateur est un salon à la mode. On n’y danse pas, et c’est bien juste. On s’y dispute le cœur des jeunes députés et des conseillers législatifs encore verts.
Plus d’une élégante a son tabouret au premier rang ; et tout en jouant de l’éventail, prête l’oreille aux galants propos d’un homme d’État agenouillé à ses pieds. Le petit chien de la maison y vient retrouver sa maîtresse sans jamais s’égarer.
Du haut de la galerie, ces dames dominent les délibérations et prêtent au gouvernement l’appui de leurs beaux yeux qui votent confiance.
J’avais promis de faire cette causerie courte, je m’aperçois qu’elle est déjà un peu longue ; je l’abrège, et je termine par une anecdote.
Je ne sais si votre expérience s’accorde avec la mienne, mais je n’ai jamais rencontré un homme sincère qui ne m’ait avoué qu’il nourrissait l’envie de se présenter et l’espoir d’être élu. Ce fatal désir naît au collège, où l’on vous enseigne à admirer pardessus tout les orateurs. Il atteint jusqu’à l’enfance.