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III.

UNE SOIRÉE CHEZ MADAME PERRET.


À huit heures précises, le docteur Blandy faisait son entrée, dans le salon de Mme Perret. Il avait relevé sa moustache ; pour laisser paraître son plus fin sourire, et il était mis avec tant de soin, qu’au premier abord, on n’aurait pu dire s’il était beau ou laid.

La maîtresse de la maison vint à sa rencontre, et M. Perret, interrompit une dissertation sur la hausse des farines qu’il faisait à son neveu, captif dans un coin de la chambre, pour saluer amicalement de la main le nouveau venu.

Mme Perret était encore toute rayonnante du triomphe de sa fille. Elle lui avait posé dix fois ses couronnes sur la tête, et elle se promettait très-sincèrement de lire tous ses livres de prix. Il lui semblait qu’ils devaient être beaucoup plus intéressants que les autres ouvrages, et elle n’était pas loin de croire qu’ils contenaient quelque chose de particulier au sujet de sa fille. Comme toutes les personnes qui n’ont reçu qu’une instruction incomplète, elle s’exagérait les bienfaits du savoir et elle s’imaginait que Caroline venait de se couvrir d’une gloire immortelle, qui rejaillissait sur toute sa famille.

M. Perret n’avait guère d’illusions sur les hommes il les jugeait d’après ses livres. Mais il lui en restait à l’égard des femmes. Les prix remportés par son fils au collège l’avaient toujours laissé froid. Il n’y attachait même plus la moindre importance depuis le jour où, ayant commandé à son héritier, encore chargé de lauriers, un calcul un peu raide, il l’avait vu se mettre lentement en besogne, tâtonner, raturer, enfin demander grâce. Les triomphes de sa fille faisaient sur lui une impression bien différente ; il y trouvait un plaisir mêlé d’attendrissement.