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mette, et le même jour l’une de nos battues à Saint-Alban, où je suis sûr d’avoir vu beaucoup de sang dans la poursuite que j’en fis, pourroient lui avoir occasionné quelque avanture. Ceci joint aux deux coups de fusil qu’on luy tira dans la chasse que nous luy donnâmes le six, bien tiré par un paysan à vingt pas, et l’autre à quinze pas par M. de la Fagette (sic) un de nos meilleurs tireurs, après que les chiens l’atteignirent, et la mordirent plusieurs fois au vu de plusieurs chasseurs[1]. »

Oh ! si vraiment la bête était morte ! Et comme le silence se continuait à son sujet, chacun se laissa bercer de cette douce espérance qui fit son chemin et gagna au large et au loin.


« J’ai l’honneur de vous mander, écrivait le délégué à M. de Saint-Florentin, que j’ai cru nécessaire de prier MM. d’Enneval de faire battre les bois, ravins et rochers les plus proches de l’endroit où la Bête fut tirée le 6. Il serait bien à désirer d’y trouver la preuve que les habitants du pays sont délivrés d’un monstre qui fait tant de ravages[2] . »


Hélas ! cette illusion ne devait pas être de longue durée !


« L’espérance que M. Denneval avoit donnée de la mort de la Bête féroce vient de s’évanouir, et la lettre que je reçois de lui en datte du 23 de ce mois m’apprend qu’elle continue ses ravages avec plus de fureur que jamais[3]. »


Le 19 mai, en effet, pendant une battue que l’on faisait, une fille d’environ cinquante ans fut dévorée au bois de Servilanges, paroisse de Venteuges. Le monstre lui avait coupé la tête qu’on ne put retrouver, et après avoir traîné environ cent cinquante pas le reste du corps, avait sucé tout le sang et arraché le cœur. Puis, quelques heures après, il était revenu ronger le haut de la poitrine.


« … Le 24, il dévore une fille à Mazel, paroisse de Jullianges, le même jour il attaque une fille à Marsillat, paroisse

  1. Archiv. du P.-de-D. C. 1733. Lettre de M. Denneval.
  2. Ibid. C. 1733.
  3. Ibid.