Page:Fabre, La bête du Gévaudan, Floury, 1930.djvu/79

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


« Du Malzieu, 31 avril.

« … Le dix-huit elle tua un garçon à Pauillac[1] à deux ou trois lieues d’icy, elle le saigna comme auroit fait un boucher, lui arracha un oeüil, lui mangea les joües, les cuisses et lui disloqua les deux genoux. Le 21, je fis faire une batüe de douze paroisses, où elle fut trouvée sous un rocher, par un jeune homme âgé d’environ dix-huit ans, de la paroisse d’Osmon (Aumont), il étoit armé d’un vieux sabre, elle ne voulut pas décamper, lui gronda et grinça des dents, étant saisy de peur, et s’écriant au secours, son curé qui étoit le plus proche armé d’un pistolet, y accourut, mais elle avoit pris la fuite.

« Elle vient attaquer à Caufour (Couffours) une fille de onze ans et un garçon de seize ; ils se défendent et sont blessés, mais sont secourus par un de leurs parents armé d’une hache. En les quittant, ce loup vint rejoindre un autre animal plus petit que lui, qui le caressa et lui lécha la gueule.

« Le 28 une nouvelle battue fut faite et une louve tuée pesant quarante et quelques livres, elle fut portée à Mende, et le subdélégué la fit ouvrir en public par un chirurgien, on lui trouva dans le corps quelques chiffons d’étoffe linge, du poil et des os qu’on jugea être de lièvre… On soupçonne beaucoup que ces paysans en vue d’une récompense lui avoient enfoncé ces drogues avec une baguette. »


Le paysan n’a de grossier que l’habit, il était fort capable, pour avoir part à la gratification promise, de glisser dans cet animal les chiffons retrouvés :


Quid non mortalia pectora cogis
Auri sacra fames ?…

  1. « Martial Charrade du Besset, âgé d’environ treize ans, fut dévoré avant-hier par la Bête féroce qui mange le monde dans les tènements de Vachellerie, paroisse de Paulhac où il s’était loué pour vacher, et aujourd’hui vingt avril mil sept cens soixante cinq les restes de son corps ont été portés et inhumés dans le cimetière de cette paroisse, présens J. Charrade, son père et d’Ant. Charrade son frère…
    Signé : Fournier, curé. »

    (Reg. de la Besseyre. Greffe de Riom, cour d’appel.)