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« Tuvel, le 18 février 1765.

« Monseigneur, permettez qu’après avoir présenté mes très humbles respects à votre Grandeur, j’ose me donner l’honneur de vous donner avis du moyen que je me suis proposé de représenter pour détruire entièrement le monstre affreux qui continue de troubler le repos général du public dans le royaume ; lequel par sa rapidité et ses ruses a le secret de se garantir de l’effet de la poudre et du plomb. En conséquence comme cet animal furieux ne fait sa proie que du sexe, ainsi qu’il est dit par le bruit commun, il conviendrait pour cet effet d’emprunter l’artifice pour que sa proie soit son véritable vainqueur. À cette cause, vu que ce monstre est acharné audit sexe, il faudrait qu’en tous les lieux qu’il paraîtra qu’on fit des femmes artificielles, composées avec du plus subtil poison et les exposer sur les avenues différentes sur des piquets pliants pour inviter ce maudit animal à exécuter son indigne fureur et à avaler sa propre fin. En sorte que pour composer ces femmes postiches, c’est d’avoir premièrement trois vessies de cochons et le col d’une brebis ou mouton dépouillé à chaux vives.

« Deuxièmement, la peau aussi d’une brebis et les boyaux, en observant de bien faire raser ladite peau pour qu’il n’y ait ni poil ni laine. Ensuite avoir du sang des dites brebis ou agneaux avec de la bonne éponge pour en faire des pelotons qu’on attachera avec des petits morceaux de chair, pour mettre le tout dans les dites vessies et boyaux étant dûment préparés et assaisonnés avec ledit poison et faire des dites trois vessies la tête et les mamelles, et observer de faire peindre sur un papier ou un linge fin la figure d’une femme, qu’on pourra coller superficiellement sur la vessie qu’on destinera pour la tête.

« Troisièmement enfin, lesdits boyaux seront distribués sous ladite peau, à laquelle il serait bon qu’on y laissa un peu de chair contre, aussi duement poudrée du dit poison pour que ce monstre puisse trouver de quoi mordre partout où ses cruelles dents donneront pour s’éterniser entièrement, ainsi que je le souhaite.

« Voilà, Mgr, ce que votre serviteur a cru devoir représenter à Votre Grandeur pour le repos du public à tous ses égards. Si