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Le 21, M. Denneval annonce que « la Bête a été signalée à Massiac et qu’il y reste jusqu’à ce qu’il sache des nouvelles d’ailleurs… elle ne marque que quatre doigts à la patte, comme un loup, et les ongles sont pouelüs, elle joue avec sa quüe comme un chat lorsqu’il va se jeter sur quelque chose[1].

« Nous sommes arrivés icy, le mardi gras. En passant par Massiac, j’appris que cette Bête devait être dans ces cantons. J’envoyai ici mon fils, et le même jour je fus à la Chapelle-Laurent, dans les montagnes, à pied, les chevaux n’y pouvant aller à cause des neiges tombées ci-devant. Il y avait eu un petit garçon mangé pas tout à fait. Le lendemain, à la messe, deux paysans qui l’avaient vue la dépeignirent à peu près comme une estampe que nous a donné l’Intendant de Clermont ; elle ne ressemble en rien à celle que vous avez vue, elle est haute comme un veau d’un an, fort allongée de corps et de tête, les oreilles courtes, elle est rousse de partout, excepté une raie brune sur le dos, la queue fort longue, et dont elle joue comme un chat qui cherche à se jetter sur sa proie.

« Elle ne reste point en place, et travaille continuellement dans dix lieues environ de tour. Elle est d’une légèreté surprenante, j’ai été voir une de ses anciennes passées, il y avait vingt-huit pieds, d’un saut à l’autre, en plat pays.

« Cependant elle ne va pas toujours de même ; j’ai été visiter aussi de vieux bâtiments d’une métairie abandonnée. Il aurait fallu de la lumière ; surtout la neige éblouissait. L’on m’avait dit qu’elle y logeait mais je n’y trouvai que d’anciennes couchades…

« Il y a encore ici deux blessés à l’hôpiral[2]. Une femme d’un

  1. Ibid.
  2. « L’animal anthropophage qui porte le trouble et la consternation dans le Gévaudan et dans l’Auvergne, donne de l’exercice aux chirurgiens de notre hôpital… Ils ont actuellement entre les mains, deux jeunes filles que ce cruel animal a très-grièvement blessées.
    « L’une, nommée Catherine Boyer, âgée de vingt ans, fut attaquée le 15 janvier au village de la Bastide, parroisse de Lastic, à deux heures d’ici… elle lui emporta d’abord avec ses griffes toute la partie chevelue de la tête, lui rongea ensuite une partie de l’os coronal et lui découvrit si fort l’os pariétal gauche, que le péricrâne manque avec tout le haut de l’oreille…
    « L’autre fille qu’on y a conduite aujourd’hui, est de la paroisse de St-Just, et n’est pas aussi blessée que la première. C’est une jeune personne de quatorze ans,