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Le rôle de M. Duhamel est ainsi caractérisé par l’abbé Trocellier, curé d’Aumont : « Il se donna beaucoup de peine, et ne fit rien. »

L’étude impartiale des documents montre, en effet, qu’il n’épargna ni sa peine, ni ses efforts. Si le succès ne couronna point son entreprise, il serait injuste de lui en faire un reproche : on sait ce qu’il eut de luttes à affronter contre les difficultés des lieux, le naturel indocile des indigènes, et la rigueur de la saison.

Il avait compris que devant l’insuccès persévérant de ses efforts et la lassitude des populations, son rôle allait finir et la direction des opérations lui échapper prochainement : aussi, peut-être voulut-il, après la journée du 7, bénéficier une dernière fois de sa situation, et faire une tentative suprême dans celle du 11 février, afin de remporter le triomphe désiré.

Il y avait, là-bas en Normandie, un gentilhomme, M. Denneval, à qui ses exploits contre les loups avaient fait une certaine célébrité. Il en avait tué dans sa province, il en avait exterminé dans les provinces voisines ; bref, il ne comptait plus ses victimes, dont le nombre, dit-on, s’élevait à douze cents. C’était le plus célèbre louvetier de France.

La Cour jeta les yeux sur lui, et le pria de venir délivrer le Gévaudan.

Déjà même, avant la grande chasse du 7, l’Intendant de Languedoc avait reçu avis de M. de l’Averdy que « M. Denneval, gentilhomme de la province de Normandie, voulait bien se rendre avec M. son fils, capitaine au régiment des recrues d’Alençon, dans le diocèse de Mende, pour y donner la chasse à la Bête féroce qui y cause tant de ravages. Le talent qu’il a pour cette espèce de chasse, ayant détruit des loups toute sa vie, fait espérer qu’il parviendra à nous délivrer, s’il est bien secondé[1]. »

Le 20 février, M. de Montluc fait savoir à l’Intendant d’Auvergne que « M. d’Enneval doit s’être arrêté à Massiac, où il est beaucoup parlé de la Bête qui roule de ce costé-là. Effectivement, elle attaqua samedi dernier un berger entre Massiac et Bonnac[2] ».

  1. Ibid., p. 237.
  2. Arch. du P.-de-D., C. 1732.