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image de la guerre. Les plaintes se multiplient, et le paysan est au désespoir[1]. »


On les accusait en outre, dans l’espoir d’obtenir seuls la récompense promise, d’éloigner les chasseurs et tous ceux qui pourraient avoir quelque chance de tuer la Bête.

M. Lafont, sur la demande de l’Intendant, fit une enquête afin de vérifier la réalité de ces allégations. Sans doute les dragons avaient d’abord fait quelques dommages aux blés en courant à travers champs, mais sur la représentation qui en fut faite à M. Duhamel, celui-ci y avait pourvu.


« M. Duhamel, disait-il dans son rapport, est d’un zèle infatigable, ayant extrêmement à cœur de réussir dans son entreprise, et d’avoir des attestations avantageuses sur sa conduite… Il est d’un caractère vif ; peut-être même employa-t-il, en égard aux circonstances, un peu trop de sévérité dans l’affaire du fermier de M. de La Barthe, mais c’est une suite de la ponctuation qu’il met et qu’il exige dans le service…

« … Il est certain que pendant que j’étais à Montpellier, des dragons ont éloigné dans quelques occasions des chasseurs qui étaient à la poursuite de la Bête, d’où l’on a conclu que c’était par les ordres secrets de M. Duhamel. Je lui en ai parlé, non seulement il s’est très-fort défendu, mais il m’a encore très étroitement prié d’écrire dans les communautés, pour dissiper le préjugé où le public pouvait être à cet égard et annoncer que la chasse était ouverte à tout le monde…

« M. Duhamel s’est plaint à moi, à son tour, que bien des personnes du pays, qui, de leur côté, désireraient tuer la Bête, le voyent avec peine, ainsi que sa troupe, et qu’il lui avait été assuré que certaines gens avaient excité des paysans à porter plainte contre ses dragons pour qu’on les retirât.

« Il est vrai qu’il s’est formé bien des petits partis pour la destruction de cet animal, sur lequel l’on fait des projets de fortune les plus vastes. Je ne suis pas sans m’apercevoir de bien de petites rivalités[2]. »

  1. Pourcher, p. 182.
  2. Arch. de l’Hérault, C. 14. Pourcher, p. 192 et suiv.