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de six mille livres à celui qui tuera cette bête, et à ordonner, lorsqu’elle sera tuée qu’elle soit vuidée et arrangée pour en conserver la peau et même le squelette, qui sera envoyée icy pour être déposée au jardin du Roy. »

Il donne aussi des indications utiles pour faire les battues[1]. Les curés devaient lire au prône ces affiches, afin que les habitants fussent instruits de la récompense promise.

De plus, M. de Tournemire, subdélégué à Mauriac, dans son élection, leur recommandait, « dans le cas où cette bête viendroit à se montrer dans leur paroisse, de lui en donner avis sur-le-champ par un exprès qu’il payeroit, pour les mettre à portée d’être prévenus dans l’instant. » Enfin, ils devaient recommander à leurs paroissiens, en cas d’événement, de s’adresser tout de suite à eux[1].

C’était un bien joli denier que la récompense promise ! Les six mille livres du roi, les deux mille des États du Languedoc, les mille livres de l’Évêque de Mende et les deux cents livres des syndics de Gévaudan et de Vivarais, en tout neuf mille quatre cents livres, constituaient presque une fortune, à cette époque, pour l’heureux mortel qui aurait la chance de jeter bas le monstre.

Oh ! l’heureux coup de fusil ! C’était plus qu’au poids de l’or qu’allait être payée la balle fortunée qui frapperait la Bête. Aussi, que de rêves dorés vinrent illuminer les modestes demeures qu’habitaient les robustes chasseurs de ces montagnes ! De quelles chimères l’on se repaissait, et quelles félicités l’on se forgeait sur l’espérance d’un coup bien dirigé !

Les fusils furent mis en état, les balles scrupuleusement et minutieusement travaillées, on lima des lingots de fer, le plomb n’ayant pas assez de consistance pour pénétrer la Bête. Tout ce qui portait une arme voulut tenter la fortune.

Et cette Bête qui ne voulait pas se laisser tuer !


… « La véritable Bête féroce cause toujours les mêmes ravages entre Saint-Flour et Massiac. Elle traversa, le 27 janvier, le village de Saint-Poncy, et les consuls la virent de fort près, dans le territoire de cette paroisse. Le 30 janvier elle a

  1. a et b Ibid., C. 1731. Doc. inéd.