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six du présent mois dans notre voisinage où elle a égorgé dans le même jour une femme et une fille dans deux endroits différents et éloignés d’une demy lieue l’un de l’autre.

« Le premier cas, Mgr, est arrivé à un village qu’on appelle Saint-Juéry[1], limite de l’Auvergne et du Gévaudan. Une femme estoit vers les dix heures du matin dans son jardin pour y cueillir des herbes pour mettre au pot, cette beste ly aperçut et fut à elle, la saizit par le col, luy a fait une ouverture aux mameles et luy a mangé la face.

« Le second est arrivé le même jour à onze heures du matin, dans un petit bois qu’on appelle de Monclergue sittué sur la paroisse de Maurines pendant qu’on disoit la grand-messe, une fille passant dans le bois fut attaquée de cette beste et fut égorgée comme la première. Lesdits accidents sont arrivés à une lieue de cette ville, ce qui jette l’épouvante dans tout le pays.

« Signé : Azemar[2]. »


De là, six jours après, le 12 janvier, la Bête vient attaquer, de l’autre côté de la Margeride, dans la paroisse de Chanaleilles près Saugues, les sept enfants du Vileret d’Apcher.

Ces enfants, cinq garçons et deux filles, par une sage mesure de prudence en usage dans ces jours dangereux, s’étaient réunis ensemble pour garder leurs troupeaux. Chacun d’eux était armé d’une pique ou d’une lame de couteau solidement emmanchée au bout d’un bâton. Soudain, l’horrible Bête est devant eux. Portefaix, Pic et Couston, les trois plus âgés, — ils avaient à peine douze ans, — lui font face et abritent derrière eux les fillettes, Madeleine Chausse et Jeanne Gueyfier, et les deux enfants. C’est Portefaix qui dirige la défense. La Bête se met à tourner autour, les enfants aussi, les piques en avant.

  1. « Acte de décès, Delphine Courtiol, femme à Étienne Gervais, de Saint-Juéry, décédée le six janvier 1765, enterrée le lendemain. Les parents ont assisté à sa sépulture.
    « d’Apcher, curé. »

    « Avis. — La susdite Delphine Courtiol a été dévorée dans son jardin, audit lieu de Saint-Juéry, par une bête féroce inconnue qu’on prétend être une hyène et qui, depuis le mois d’août qu’elle est dans le diocèse, y a causé des ravages affreux. » (Pourcher, p. 163).

  2. Archives du Puy-de-Dôme. C. 1731 Doc. inédit.