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ment dans son quartier, mais huit jours après y être rentré, S. A. Mgr le comte d’Eu m’a envoyé des ordres pour retourner à la poursuite de ce monstre avec le même détachement. Je suis arrivé ici le 10 de ce mois, avec ordre de suivre cet animal partout où il yra jusqu’à ce que je l’ai enfin entre les mains…

« Duhamel[1]. »


La génération actuelle sourit à l’imagination naïve et féconde de ce brave officier, et ne souscrit point à ce portrait « exat » que démentirent catégoriquement les captures faites plus tard et l’inspection de toutes les bêtes qui tombèrent une fois ou l’autre sous les coups des chasseurs[2]. On ne s’explique pas d’où pouvait venir cet étonnant mirage, cette exubérante exagération ! Ce qui était indiscutable, c’était l’existence même de la Bête qui semblait prendre plaisir à attester sa présence et déceler ses instincts sanguinaires par des méfaits sans cesse renouvelés.

Le 2 janvier, elle est au Mazel de Grèzes, près Saugues. On lit, en effet, dans les registres de paroisse :


« L’an mil sept cens soixante-cinq et le deuxième du mois de janvier, a été dévoré par la bette féroce Jean Châteauneuf, du Mazel, sur notre paroisse, âgé d’environ quatorze ans, et les débris ont été enterrés le lendemain au cimetière de cette paroisse, tombeau de ses prédécesseurs, en présence de Jean Maurin et de Jean Bret, qui ont déclaré ne sçavoir signer de ce en quis et requis.

« Signé : De Rochemure[3]. »


Au jour même où se faisaient les prières ordonnées, elle apparaît à Chaudesaigues.


« À Chaudesaigues, le 7 Janv. 1765.

« Mgr… J’ai cru qu’il est de mon devoir d’instruire Votre Grandeur du dégât que cette beste farouche vient de faire le

  1. Archives du Puy-de-Dôme. C. 1731. Doc. inéd.
  2. L’abbé Trocellier, curé d’Aumont, dans une relation qui a été conservée, fait aussi un portrait peu fidèle de l’animal poursuivi.
  3. Reg. de Grèzes. Greffe de Riom.