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ment sons les coups qu’on lui portera dès que les moments de la miséricorde de Dieu sur nous seront arrivés…

« Déjà cette miséricorde nous a ouvert une ressource : les États de la province, sensibles aux calamités de ce pays, ont accordé une gratification à celui qui l’en délivrera, et nous avons lieu d’espérer que plusieurs bras s’armeront pour nous secourir. Mais soyons bien persuadés que ces moyens humains et tous ceux que nous sommes obligés d’employer pour notre défense n’auront d’autre succès que celui qu’il plaira à Dieu de leur donner ; supplions-le donc très-instamment de les bénir et de les faire réussir[1]. »


L’Évêque de Mende, en somme, ne se bornait pas à demander seulement des prières. Aide-toi, le ciel t’aidera. Il demandait aussi à la vaillance et à la dextérité des chasseurs la délivrance de son diocèse, et, par la peinture de toutes ces infortunes, il cherchait à apitoyer les cœurs et à les convier à une entente et à des efforts énergiques pour la destruction de ce monstre insaisissable.

Enfin, pour appuyer d’arguments plus irrésistibles ses exhortations, il promettait mille livres à l’heureux vainqueur qui purgerait la terre de ce fléau.

La terreur et les croyances superstitieuses auxquelles ce mandement faisait allusion en essayant de les combattre, étaient en effet d’une exagération inconcevable que nourrissaient les feuilles publiques, les relations imprimées et les complaintes chantées qui se colportaient dans les villages.

L’une d’elles dépeignait ainsi le monstre :


« La Bête féroce qui a paru dans le Gévaudan au mois de novembre dernier, et qui fait tous les jours de si grands ravages dans cette province ainsi que dans le Rouergue où elle se montre si souvent, a la gueule presque semblable à celle du lion, mais beaucoup plus grande, des oreilles qui, dressées, passent la tête de quelques pouces et se terminent en pointe ; le cou couvert d’un poil long et noir qui, étant hérissé, la rend encore plus effroyable ; outre deux rangées de grosses dents

  1. Pourcher, p. 137 et suiv.