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cet animal destructeur de leur espèce, et n’osent sortir sans être armés ; il est d’autant plus difficile de s’en défendre qu’il joint à la force la ruse et la surprise. Il fond sur sa proie avec une agilité et une adresse incroyables ; dans un espace de temps très-court, vous le savez, il se transporte dans des lieux différents, et fort éloignés les uns des autres : il attaque de préférence l’âge le plus tendre et le sexe le plus faible, même les vieillards en qui il trouve moins de résistance.

« … Pères et mères qui avez la douleur de voir vos enfans égorgés par ce monstre que Dieu a armé contre leur vie, n’avez-vous pas lieu de craindre d’avoir mérité par vos dérèglements que Dieu les frappe d’un fléau terrible ? Souffrez que nous vous demandions un compte de la manière dont vous les élevez ; quelle négligence à les instruire des principes de la religion et des devoirs du christianisme ! Quel soin prenez-vous de leur éducation ?

« … On vous voit bien moins occupés de leur salut que de leur fortune et de leur avancement pour lequel tout vous paraît légitime, et de ces passions naissantes que vous auriez dû arrêter et étouffer par des corrections salutaires, vous prenez soin au contraire de les nourrir et d’en faire éclore le germe… Après cela faut-il être surpris que Dieu punisse l’amour déréglé que vous avez pour eux par tant de sujets d’affliction et de douleur qu’ils vous préparent pour la suite de votre vie…

« Entrons dans le dessein de Dieu qui ne nous frappe que pour nous guérir ; si nous cessons de l’offenser, ses vengeances cesseront aussi, sa colère fera place à ses anciennes miséricordes. Le monstre redoutable qui exerce sa fureur contre nous ou sera exterminé, ou Dieu le fera disparaître pour n’y plus revenir.

« Loin de vous cette pensée folle que ce monstre est invulnérable, que les pasteurs et tous ceux qui sont chargés du sort des âmes s’appliquent à dissiper par de solides instructions ces contes fabuleux dont le peuple grossier aime à se repaître, et à bannir de son esprit tout ce qui ressent l’ignorance et la superstition.

« Cet animal, tout terrible qu’il est, n’est pas plus que les autres animaux à l’épreuve du fer et du feu. Il est sujet aux mêmes accidents, et à périr comme eux, il tombera infaillible-