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Cependant, la Bête ne dormait pas.

Ces poursuites multipliées semblaient lui fouetter l’appétit.


« Il est certain que cet animal parut dans les montagnes de la Margheride, le 15 du présent, au lieu des Gayx, paroisse de Védrine-Saint-Loup, et qu’elle y dévora une fille[1], elle attaqua aussi dans le même temps un jeune homme à qui elle enleva avec la griffe une partie de la peau du crâne, qui fut heureusement secouru au village de Chanteloube, mais on ne l’a plus vu depuis ce tems. Les habitants de Védrine-Saint-Loup firent aussitôt des battues dans partie des bois de la Margheride qui sont immenses et contigus, ils sont venus me dire qu’ils étoient prêts à faire de leur mieux pour la destruction de ce monstre et qu’il étoit essentiel de commander toutes les paroisses qui bordent la Margheride qui sont au nombre de seize, dont trois sont de la subdélégation de Langeac, telles que sont Pinols,… et Chastel. Je serai fort exact à vous donner des nouvelles sûres de tout ce qui se passera. J’en ferai pareillement part à M. Duhamel. J’ai instruit les paroisses de vos intentions à ce sujet. Le marché est fait avec l’exprès à deux livres par jour, et il a reçu à compte 4 liv. seize sols. »

L’intendant d’Auvergne, le 26 décembre, envoyait à ses délégués l’ordre de promettre en son nom six cents livres de récompense à qui « tueroit et reporteroit la Bête » et de mettre des placards pour en informer les paroisses intéressées.

Mais ce loup « qui parcouroit un espace de plusieurs lieues avec une asilité (sic) sans égale dans peu d’heures »[2] n’avait plus reparu en Auvergne. Il avait fait, au contraire, de nouveaux ravages en Gévaudan et deux jeunes filles venaient d’y être nouvellement dévorées, et l’on était fondé à croire à plusieurs

  1. L’an mil sept cens soixante quatre et le 17 Déc. en conséquence des réquisitions à moi faites par M. J. Servant, procureur d’office de la justice de Monfict, avons inhumé dans le cimetière, un cadavre féminin que ledit Servant nous a dit avoir trouvé dans le bois de la Balsie, appartenant à M. le comte de la Tour d’Auvergne et avoit été dévoré par une Bête féroce, et c’est en présence de J. Defix et Jos. Molinier signés cabaretiers du lieu et paroisse de Védrines St Lou… Molinier, Archer, Barthomeuf, curé. (Arch. du greffe de Riom, cour d’appel.)
  2. Lettre de M. de Montluc, 29 déc. Ibid.