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forme nouvelle, davantage susceptible de maintenir sa vieille renommée. Nous voulons parler de l’iconographie de fantaisie qui accompagne les productions littéraires. En effet, après avoir paru sur la scène du théâtre, la Bête du Gévaudan devint le sujet d’un roman qui porte son nom. Cette œuvre, d’une intrigue bien menée avec des incidents dramatiques, est due à la plume féconde d’Élie Berthet. Son légitime succès n’a pas cessé, et on la publie encore dans des éditions à bon marché. On s’intéresse toujours, en frémissant, au personnage extraordinaire créé par l’auteur : ce Jeannot aux grandes dents, le lycanthrope, compagnon inséparable du loup, devenu sauvage et aussi féroce que lui. La première parution date de 1858 dans le Journal pour Tous, fort répandu alors. Les gravures pittoresques et variées avaient été dessinées par des artistes réputés.

Nous rencontrons, plus près de nous, notre animal dans : Histoires étranges qui sont arrivées, de G. Lenôtre. L’excellent écrivain, très renseigné et d’un style si vivant, a bien voulu quitter un moment ses recherches habituelles, pour lui faire l’honneur de le placer à côté des héros, parfois non moins terribles, de la Révolution.

Et nous le retrouverons encore de-ci et de-là : tantôt dans des publications populaires, voire même des contes pour enfants, sans préjudice de l’inévitable carte postale ; tantôt dans des brochures ou articles de revues. Ces deux dernières catégories d’ailleurs, conformément aux tendances modernes que nous signalions dans le début de cet essai, recherchent plutôt l’illustration documentaire.

Certainement, depuis quelques années, la Bête a bénéficié d’un regain d’intérêt et de curiosité.

C’est que, bien qu’il semble qu’on ait discuté à fond — et même résolu les diverses questions la concernant, nous ne savons quelle ombre d’incertitude continue de planer sur elle. On éprouve le vague sentiment que tout n’a pas encore été dit à son sujet, que, du sein d’archives inexplorées ou de vieux papiers de famille, surgira quelque fait nouveau, capable de dissiper les ultimes doutes et d’apporter enfin la complète lumière.

À ce titre, la Bête du Gévaudan s’apparente aux énigmes sans cesse remises au jour par notre insatiable besoin d’investigations : Masque de Fer, survivance de Louis XVII, affaire Fualdès, — sans parler des autres. Aussi, le légendaire animal non seulement a chance de rester, mais, après avoir répandu tant de sang, de faire couler encore beaucoup d’encre.


André Mellerio.