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Très particulièrement se distinguent les épisodes de chasse. C’est que la vénerie sous l’ancien régime, et jusqu’à la Révolution, formait une véritable institution d’État, avec ses réglementations compliquées et son ordonnancement quasi rituel. Aussi les estampes qui ont trait à l’animal du Gévaudan, si terrible qu’elles le représentent, lui gardent-elles d’ordinaire l’aspect d’un vrai loup. Pouvait-il en être autrement, lorsque paraissaient en face de lui Antoine de Beauterne et ses acolytes officiels ? De tels personnages ne devaient point décemment se commettre avec une Tarasque quelconque, non portée à l’armoriai des bêtes noblement courables. Aussi tout l’intérêt se portait-il sur l’action cynégétique elle-même, avec l’accessoire des costumes et de l’armement, ainsi que l’allure des chevaux et l’élan des chiens de meutes.

Ce que nous avons dit de l’imagerie de France semble pouvoir s’appliquer généralement à celle de l’étranger, notamment en Allemagne.


L’ICONOGRAPHIE AUX XIXe ET XXe SIÈCLES


Nous entrons maintenant dans le xixe siècle.

Certes, bien des événements ont traversé l’histoire de notre pays, plus grands et importants que les exploits de la Bête du Gévaudan, cependant son souvenir n’est pas aboli.

Nous retrouvons sa filiation directe et sa légende calquée, ressuscitant dans ce Loup d’Orléans qui, sous le premier Empire, alimenta l’imagerie populaire. Celle-ci d’ailleurs conservait encore beaucoup des caractères de l’époque précédente. Mais les feuilles volantes, ornées de bois et agrémentées de complaintes, destinées toujours principalement aux campagnes, portaient la curieuse dénomination de : Canards[1].

La Bête du Gévaudan se montre dans les Macédoines, que la lithographie contribua beaucoup à mettre à la mode. C’étaient de petits sujets variés, émanant parfois d’artistes différents, qu’on réunissait au hasard du pittoresque, sur une même feuille d’estampe. Notre animal y figure, tout comme la girafe, dont l’arrivée à Paris, sous le règne de Louis-Philippe, fut un événement zoologique. Désormais la Bête fait partie du stock classique des monstres légendaires, qui, depuis les temps les plus reculés, n’ont cessé de prolifier : Gorgones et Méduses de l’antiquité grecque, Licornes et Chimères de l’époque médiévale, — et de nos jours même… le fameux Serpent de mer. Puis, la caricature qui ne respecte rien, à l’occasion, s’emparera d’elle.

D’autre part, les livres scientifiques et les traités de vénerie ne manquent point d’en faire mention, à l’article : Loup (Canis-Lupus), mais ils se refusent à lui prêter d’autre apparence que l’aspect ordinaire de cet animal.

Cependant l’intérêt qu’on lui porte ne tarde pas à se manifester sous une

  1. Voir : Gérard de Nerval. Histoire véridique du Canard. Le Diable à Paris. Paris, J. Hetzel, 1845. Vol. I, p. 281 et suiv. — Et : J.-M. Garnier. Op. cit. x. Canards et Canardiers, p. 287 et suiv.