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Un loup encore, le terrible animal tué par Chastel, M. de Buffon en a donné l’assurance.

Une louve, aussi, celle tuée par Terrisse, qu’il faut peut-être associer aux deux autres.

La terreur populaire avait fait de ces animaux une seule personnalité, à qui étaient attribués tous les méfaits. Pas n’est besoin, pour leur besogne sanguinaire, de leur prêter le concours d’un être humain : ils suffisaient à la tâche.

Nous l’avons dit, ces loups une fois tombés sous les balles, il n’y eut plus de carnages, plus de méfaits.

Et, par aventure, n’y eut-il pas quelque victime qui périt sous la dent d’un loup autre que les Bêtes mentionnées ? Qui le sait, et faute de documents, qui pourrait le nier ou l’affirmer ? Et comment ces loups avaient-ils pris goût à la chair humaine ? La Revue de la Haute-Auvergne (1911. L’Ours et le gros gibier dans la Haute-Auvergne, page 295, par M. Boudet), nous l’explique de façon très plausible.

« Ce qui est historiquement et scientifiquement certain c’est que des cas accidentels d’anthropophagie déterminent vite l’hérédité chez le loup. Que l’un d’eux, plus hardi ou plus affamé que les autres dévore un être humain, la bande, associée au festin, en conservera comme lui le goût. Il se perpétuera chez les louveteaux que leur mère aura nourris de cet aliment savoureux. Devenus grands, ils le satisferont sur le berger, de préférence à ses moutons, surtout si le berger est une bergère. »

De plus, il n’est pas douteux que, soutenus par une alimentation plus vigoureuse, et rendus plus audacieux par l’impunité, ces loups n’ont pas eu de peine à atteindre des proportions extraordinaires, et à multiplier leurs forfaits.

Pour finir, il est donc bien difficile d’écrire l’Histoire puisque la lecture des mêmes faits et des documents qui les rapportent, fait naître dans les esprits des interprétations si différentes !

Toutefois, ces quelques pages ne seraient pas inutiles, si elles pouvaient, sur ce modeste point d’histoire locale, vaincre les incrédulités intransigeantes, et, tout ensemble, ramener à leurs justes proportions, les exagérations d’imaginations jadis vraiment épouvantées.