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lettres le raconteraient, la rumeur publique l’aurait désigné à la vindicte populaire. Mais, rien de semblable. On explique tout, on raconte longuement tous ces carnages, et, la seule chose qui ne soit pas mentionnée c’est la participation d’un être humain à tous ces méfaits.

d) Enfin, le dernier loup, une fois tombé sous les balles, on ne vit plus jamais de personnes dévorées ou attaquées : la balle de Chastel aurait donc fait coup double, et tué, tout à la fois, la Bête et l’homme, puisque celui-ci ne paraît plus désormais sur la scène.

On fait grand état de deux victimes qui, dévorées partiellement, furent incomplètement ensevelies sous la terre. Mais, ne sait-on pas, en pays de montagnes, que le loup est coutumier de ce procédé ? S’il ne peut dévorer le mouton ou l’agneau dérobés, il les cache sous une roche, ou dans la terre, pour y revenir plus tard. Ne sait-on pas aussi que cette façon maladroite de ne point cacher entièrement sa proie est le fait du loup plutôt que de l’homme ?

Pour finir, il semble difficile, à un siècle et demi de distance, de juger mieux, de voir plus clair, et de contrôler plus parfaitement les événements que ceux dont l’unique occupation fut, à leur heure, d’étudier, de jour ou de nuit, ces sinistres méfaits.

3° Puisque ce n’est point par des mystificateurs, puisque ce n’est pas davantage par un misérable qui n’aurait pu le faire sans être vu ou tout au moins sans être deviné, qu’ont été commis tant de méfaits, qui donc a dévoré toutes ces victimes ?

Tout simplement la Bête qui mangeait le monde : la Bête du Gévaudan.

Elle a donc existé !

Mais qu’était cette Bête ?

Un loup, pas davantage. Et pourquoi pas ? Seulement ce loup n’était pas seul : il avait un compagnon, et peut-être deux, aussi féroces que lui.

C’est ce qui ressort de la lecture de ce volume, où les chasseurs ne parlent que de loups, où les victimes, tombées sous leurs balles, ne sont que des loups.

Un loup, la grosse, l’énorme Bête tuée par M. Antoine et montrée à toute la Cour : la gravure qui la représente lui donne sa vraie forme de loup.